7717. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.

Potsdam, 17 juillet 1756.

J'ai reçu vos rapports du 4 et du 7 de ce mois.87-1 Vous remercierez bien poliment le chevalier de La Valle de son offre qu'il m'a faite,87-2 en lui insinuant que j'étais fâché de ne pas pouvoir l'accommoder présentement de la manière que je voudrais.

Vous supposez que les avis qu'on a que la cour de Vienne voudrait se réunir avec la Russie pour attaquer mes États, sont destitués de tout fondement, et croyez que la France, qui n'incline nullement à entreprendre une guerre de terre, se reconnaîtrait de son erreur à l'égard de ladite cour dans le susdit cas. A cela, je vous réponds que les arrangements militaires que les Autrichiens font actuellement, deviennent de jour à l'autre plus dangereux et m'inspirent les plus forts soupçons d'un dessein pris contre moi. Le bruit entre eux est général qu'ils m'attaqueront, sinon cette année-ci encore, qu'au moins cela se ferait certainement dans celle qui vient. On a voulu m'assurer qu'ils faisaient défiler des troupes d'Italie;87-3 je ne saurais vous l'écrire positivement, mais ce que je puis vous prédire, c'est que, s'ils font marcher des troupes d'Italie en Allemagne, je ne le regarderai jamais avec indifférence, mais me mettrai en avantage, et alors il ne faut plus douter que la guerre ne s'ensuive. Je ne veux que toucher légèrement ici une nouvelle qui m'est venue de Vienne,87-4 en conséquence de laquelle le comte d'Aubeterre [cherche à se rapprocher de l'ambassadeur de Russie], apparemment pour faire sa cour appuyer extrêmement auprès de la Reine-Impératrice de ne pas perdre ce moment favorable pour récupérer la Silésie, où elle saurait compter sur le secours de la France; on dit même qu'on inspire à cette Princesse de vouloir se servir du prince Charles de Lorraine pour agir des Pays-Bas contre ma province de Clèves.

Quand vous croyez que le traité de Versailles ne contient point d'autres articles que ceux qui en ont été rendu publics,87-5 j'en veux convenir; mais, outre que je crois que la cour de Vienne n'a fait ce traité avec la France que pour n'avoir plus à craindre des diversions dans l'Italie et dans les Pays-Bas, je soupçonne que, dans la négociation par rapport au troc à faire des Pays-Bas autrichiens contre les possessions de Don Philippe en Italie,87-6 la cour de Vienne voudra amener la France à ses vues et induire l'Espagne, comme par un équivalent de ce que les Pays-Bas valent au delà de Parme et de Plaisance, à lui payer une certaine somme en argent en subsides, pour soutenir la<88> guerre contre moi. Je ne saurais pas vous dire cela avec certitude, mais ce sont d'une part des soupçons de ma part qui me paraissent fort vraisemblables, et de l'autre part j'en suis averti de différents lieux, de sorte que, quand même cela ne parviendra à la réalité, il ne faut pas douter que cela n'ait été le dessein de la cour de Vienne. Ce dont j'ai bien voulu vous avertir, afin de vous mettre sur la voie de vous y orienter et de me mander ce que vous en aurez découvert. En attendant, quand la France verra arriver ce que je prédis ici, je ne doute pas qu'elle n'ouvre les yeux sur son égarement, mais cela sera alors trop tard.

Pour ce qui regarde les affaires touchant la négociation de la France en Russie,88-1 vous me rendrez un service essentiel en continuant de me marquer tout ce qui en parviendra à votre connaissance.

Au surplus, je crois que plus Madame de Pompadour et ceux qui lui sont dévoués, auront du crédit, moins il y aura de l'apparence que je saurais me rapatrier avec la France, à moins qu'il n'arrive que celleci se brouille tout-à-fait avec l'Autriche.

Federic.

Nach dem Concept.



87-1 Vergl. über den Inhalt der beiden Berichte S. 72. 74.

87-2 Der Musiker Chevalier de La Valle wünschte gegen eine jährliche Pension von 6000 Livres in Berlin sich niederzulassen.

87-3 Vergl. S. 82.

87-4 Bericht Klinggräffen's, Wien 3. Juli.

87-5 Vergl. S. 11.

87-6 Vergl. Bd. XII, 512.

88-1 Vergl. den Auszug aus dem Knyphausen'schen Berichte vom 7. Juli in Nr. 7702.