7796. AU FELD-MARÉCHAL COMTE DE SCHWERIN A POTSDAM.
Potsdam, 2 août 1756.
Monsieur le Maréchal. Je vous confie le commandement de mon armée de Silésie, les ordres en conséquence viennent d'être expédiés<166> aux régiments qui seront sous vos ordres. Vous vous rendrez d'ici à Neisse, sous prétexte de visiter votre gouvernement et, en cas de guerre, d'être à portée de prendre les premiers arrangements pour l'assemblée des troupes, en attendant mon arrivée.
Le sieur Klinggræffen, mon ministre à Vienne, a ordre de vous communiquer par son courrier, qui passera par Neisse, la réponse de la cour de Vienne. Vous serez en état de juger par cette réponse du parti que je prendrai. Pour que rien ne soit négligé pour le bien du service, vous saurez que tous les régiments qui ont leur canton en Haute-Silésie, ont reçu les ordres de retirer de leurs cantons non seulement les doubles Beurlaubten, mais encore tous ceux qu'ils auraient mis, le printemps qui vient, dans leurs régiments. Ces recrues nouvelles seront toutes livrées à Breslau, où je les ferai soudoyer à mes frais et dépens jusqu'au printemps qui vient, où les régiments les reprendront pour s'en compléter. Voici la distribution des garnisons. Glogau le 1er bataillon de Lange, Breslau le 2 de Lange et le 4 de Lattorff, Brieg le 3 de Lattorff, Cosel le 1er et 2 de Lattorff, Neisse 4 de Blanckensee, Glatz 4 de Nettelhorst, Schweidnitz 4 de Mitzschefal.
Comme les commencements de la guerre seront très difficiles pour le Maréchal, parcequ'il a vis-à-vis de lui le corps de la Moravie et à côté de lui l'armée de Bohême, le Maréchal, ne pouvant être partout, sera obligé de garnir encore de troupes les forteresses qu'il laisse exposées par l'absence de son armée; comme, par exemple, s'il se porte vers Schweidnitz, il faut qu'il mette le bataillon de grenadiers de Kreytzen à Cosel et deux bataillons à Neisse, où il laissera en ce cas le général Kleist. Si, au contraire, il se met sur la Hotzenplotz, au lieu de laisser deux bataillons à Neisse, il faut qu'il les jette dans Schweidnitz. Ses troupes ne peuvent être prêtes à marcher qu'en 6 jours. Comme je ne peux commencer mes opérations que sur la fin de ce mois, à savoir le 25, le Maréchal n'assemblera pas ses troupes plus tôt. Il parlera avec Schlabrendorff de l'endroit où il croira devoir assembler l'armée; pour moi, je suis d'opinion que le camp de Frankenstein sera le plus convenable, parcequ'en le prenant, il peut d'abord marcher à Schweidnitz et camper l'armée entre les ouvrages, en cas que l'armée autrichienne de Bohême fasse mine de pénétrer en Silésie. Comme la Basse-Silésie est la partie essentielle de ce duché qu'il faut conserver, il faut préalablement à tout la couvrir; il peut en ce cas envoyer ses dragons et partie de ses hussards à Glatz pour incommoder les derrières des Autrichiens; mais, comme cette situation ne peut être que passagère et que je compte bien d'attirer autre part les Autrichiens par ma diversion, en cas que l'armée de la Reine entre par la Bohême en Silésie, le Maréchal s'en verra débarrassé bien vite, peut-être que dans leur retraite le Maréchal trouvera occasion de tomber sur leur arrière-garde et de les punir de leurs fautes. Comme, selon toutes les apparences, cette armée autrichienne se tournera vers<167> Prague, le Maréchal pourra alors, en rassemblant ses hussards et ses dragons, s'avancer sur la Haute-Silésie et pousser jusqu'à Jägerndorf et Troppau.
Pendant que la guerre réside du côté de Schweidnitz, le Maréchal pourra se servir du major Enbers, officier capable, qui a levé la carte des montagnes, qui en connaît tous les camps et toutes les avenues, et qui peut lui fournir toutes les notions dont il a besoin pour ses entreprises. Si la guerre se transporte en Moravie, le Maréchal peut se servir du capitaine Giese de Breslau; il connaît la Haute-Silésie, les deux rives de l'Oder, la Hotzenplotz et toute la Pologne jusqu'à Cracovie, c'est d'ailleurs un habile garçon et capable de choisir des camps tels que le Maréchal les voudra.
Le corps réglé de troupes qui s'assemble en Moravie, consiste en 20,000 hommes; on parle de 12,000 Hongrois qui doivent s'assembler auprès de la Jablunka, pour pénétrer par là en Silésie. Tout ceci empêche le Maréchal de pénétrer en Moravie, son attention principale se borne à couvrir les forteresses et le plat pays contre les incursions ennemies. Si la grande armée autrichienne envoie des secours à Piccolomini, je vous enverrai à proportion des détachements de mon armée. Si le Maréchal se trouve obligé de faire quelque gros détachement vers Glatz, il le confiera au général Fouqué; si c'est vers Cosel, il en donnera le commandement au général Hautcharmoy; s'il n'a que des commandements de généraux majors à donner, il ne se servira dans l'infanterie que de Treskow et de Brandes; les autres sont d'honnêtes gens, mais ils manquent d'expérience. Si ce sont des détachements de cavalerie, le prince Schönaich est bon pour de gros corps, Wartenberg pour de moindres. Les généraux majors de la cavalerie ne sont pas faits pour conduire des détachements, ainsi s'il en envoie, il faut les choisir de façon qu'ils se trouvent sous les ordres de Wartenberg.
Comme un de vos objets principaux est de couvrir le pays, vous aurez l'œil que les Hongrois qui viendront par la Jablunka, ne pénétrent pas au delà de Rosenberg, il faut couvrir Namslau; on risquerait trop, si on les laissait pénétrer plus en avant.
Cette année-ci, on se croit en sûreté contre les entreprises des Russes;167-1 il est à croire qu'ils se mettront en marche le printemps qui vient. Dès que j'en aurai nouvelle, je renforcerai l'armée du Maréchal de 15 à 20 bataillons; si, alors, la Silésie se trouvait menacée de ces troupes, je crois que leur intention sera de se joindre au corps de Piccolomini; pour les empêcher d'exécuter ce projet, le Maréchal pourvoira bien d'infanterie toutes les places fortes et y laissera des commandants, et alors il peut avec son armée aller une ou deux marches en Pologne à la rencontre des Russes, pour les battre avant leur jonction, et revenir ensuite sur ses pas en Silésie, dont il rechassera promptement Piccolomini, au cas qu'il y soit entré.
<168>Je vous rends compte en gros de mes idées; il est impossible de prévoir tous les cas qui pourront arriver, l'avenir est incertain et les projets de la cour de Vienne sujets à bien des changements.168-1 Mais comme je vous ai confié mes troupes et la défense d'une province que vous m'avez aidé à conquérir, je m'en repose sur votre fidélité, sur votre habileté et sur votre expérience; dans tous les cas inopinés, vous prendrez votre parti, selon que vous le trouverez convenable au bien du service. Je vous donne plein-pouvoir d'agir, comme vous le trouverez à propos et convenable dans les conjonctures actuelles. Je vous recommande comme une des principales attentions de ne point éparpiller vos troupes pendant les quartiers d'hiver, mais de les mettre de façon que vous puissiez les rassembler avant l'ennemi. Tout ce qui regarde le commissariat, le soin des vivres, l'entretien de l'armée etc., on en a instruit le sieur Schlabrendorff;168-2 vous pourrez tirer de lui tous les éclaircissements nécessaires. Je dois vous avertir en gros que je ferai une gratification aux officiers pour leurs quartiers d'hiver, et s'il manquait la moindre chose pour les troupes, vous n'avez qu'à me dire un mot, et on y obviera. Je vous donne ci-joint l'état de votre armée, les chiffres pour les commandants des places et le chiffre dont vous vous servirez dans notre correspondance. Et comme nous conserverons une communication ouverte et assez à portée, nous pourrons souvent nous donner réciproquement de nos nouvelles. Sur quoi, je prie Dieu, mon cher Maréchal, qu'il vous ait dans sa sainte garde.
Federic.
La seule chose que je vous demande encore avec instance, c'est de ne point séparer le corps d'armée qui est sous vos ordres, ni d'éparpiller les troupes, mais de le tenir ensemble, vu que tout le corps est encore assez faible, de sorte qu'il ne faut pas que vous le sépariez.
Die Instruction nach dem eigenhändigen Concept. Der Zusatz nach Anschrift der Cabinetskanzlei.
167-1 Vergl. S. 15. 41. 105. 114. 115.
168-1 Vergl. S. 183.
168-2 Vergl. S. 14S.