7880. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.
Michell berichtet, London 6. August: „Comme [les ministres anglais] craignent que, dans les circonstances présentes, Votre Majesté ne prenne trop tôt quelque parti violent, ils renvoient ce soir un courrier au sieur Mitchell,247-3 avec ordre à ce ministre de représenter à Votre Majesté le danger que courrait la cause commune, si Elle faisait dans le moment présent quelque levée de bouclier, sans en avoir des motifs plus clairs et plus pressants que ceux qu'Elle a eus jusqu'ici; ils conviennent cependant et ils applaudissent beaucoup aux sages précautions que Votre Majesté a prises, pour n'être pas trouvé au dépourvu; ils reconnaissent qu'Elle a de justes appréhensions pour en agir de la sorte, mais en même temps ils souhaiteraient que Votre Majesté suspendît toute opération contre les Autrichiens, si ces derniers Lui donnent des explications qui n'indiquent pas qu'ils ont formé de mauvais desseins contre Elle. C'est sur ces principes que le sieur Mitchell a ordre de représenter à Votre Majesté la façon de penser de cette cour-ci dont le vrai but n'est que d'éviter que la Russie et la France ne prennent fait et cause pour la cour de Vienne, en faisant passer Votre Majesté pour l'agresseur, au lieu que, sans cela, ils persistent à espérer que les cours de Vienne et de Versailles n'attireront pas celle de Pétersbourg dans leur parti, bien que Votre Majesté soit d'une différente opinion et que toutes les apparences<248> soient pour cela. Ils se fondent toujours beaucoup sur le chancelier Bestushew, et quoiqu'ils conviennent qu'il a perdu de son crédit, ils croient en même temps que ses antagonistes n'en auront pas-assez pour que la Russie se jette entre les bras de la France, ce qui arriverait plus aisément, si Votre Majesté faisait une levée de bouclier présentement, au lieu qu'en différant une telle démarche et en poussant le temps à l'épaule, non seulement Sa Majesté Britannique aura celui de travailler en Russie, mais aussi de se fortifier elle-même en Allemagne … Les ministres sont d'ailleurs charmés de la façon généreuse de penser de Votre Majesté touchant les secours qu'Elle pourrait exiger de cette cour-ci dans le moment présent; ils sentent bien qu'ils ne seraient pas en état de Lui en fournir de plus efficaces que par l'envoi d'une escadre dans la Baltique,248-1 aussi m'y paraissent-ils résolus, et ils commencent déjà à prendre des arrangements pour cet effet, malgré le besoin qu'ils ont ailleurs de toute leur flotte. Mais cependant l'envoi d'une escadre dans la mer Baltique leur devient d'autant plus nécessaire qu'outre le premier objet en faveur de Votre Majesté, cela contiendra peut-être un peu les cours du Nord, dont l'on sait que les escadres sont en mer.248-2 Quoi qu'il en soit, l'on me paraît tous les jours plus résolu de faire tout ce que l'on pourra pour soutenir Votre Majesté, mais les ministres, et entre autres le duc de Newcastle, ne m'ont pas caché que le Roi leur maître souhaiterait beaucoup qu'il plût à Votre Majesté de fixer à tout évènement le nombre des troupes qu'Elle pourrait fournir pour couvrir l'Électorat.248-3 Ce ministre sent bien que le raisonnement que Votre Majesté a tenu au sieur Mitchell,248-4 et ce que je lui ai dit là-dessus, est fondé; mais comme il ne croit pas que Votre Majesté ait rien à craindre dans le moment présent de la Russie, et que tous les arrangements que Sa Majesté Britannique prend pour fortifier son armée en Allemagne, ne sont pas encore prêts, ce serait, à ce qu'il m'a dit, une grande satisfaction pour le Roi son maître et un grand article vis-à-vis de la nation en faveur de Votre Majesté, si Elle voulait bien donner des assurances positives là-dessus, parcequ'alors, m'a-t-il ajouté, rien ne serait épargné dans la suite pour Lui en témoigner toutes sortes de reconnaissances et de secours de la part de cette cour-ci. La raison qu'il m'a encore donnée pour prier Votre Majesté de S'expliquer catégoriquement là-dessus, c'est qu'il appréhendait que, si les Etats d'Hanovre se trouvent d'abord trop à découvert, cela n'engage la France à frapper un coup de ce côté-là qui ébranlerait tout le système que l'on suit, et serait peut-être très pernicieux à la querelle que l'Angleterre a présentement avec elle.“
Michell berichtet, London 10. August: „L'on est ici rempli d'admiration de voir toutes les précautions que Votre Majesté prend pour empêcher que Ses ennemis ne cherchent à La faire passer injustement pour agresseur,248-5 et l'on continue de convenir qu'Elle a toutes les raisons du monde pour croire qu'ils ont de mauvais desseins contre Elle, et que Votre Majesté n'est point du tout à blâmer de tâcher à les prévenir plutôt que d'attendre tranquillement qu'ils les mettent en exécution. Mais, en ceci, il n'est question que de la cour de Vienne, car, pour ce qui regarde la Russie, on se persuade tous les jours plus qu'elle n'a encore ni le dessein, ni n'est en état de rien entreprendre contre Votre Majesté de toute cette année; l'on se persuade même toujours, que, par la façon dont les choses commencent à tourner à la cour de Pétersbourg, et par l'attention que cette cour-là prend actuellement aux affaires de Suède, il sera plus difficile que jamais aux antagonistes du chancelier Bestushew de porter l'Impératrice à se prêter aux vues des cours de Vienne et de Versailles.“
Michell berichtet, London 10. August, abermals über das wiederholte Ersuchen der englischen Minister, der König von Preussen möge die Zahl der eventuellen Hülfsiruppen für Hannover fixiren.
<249>Potsdam, 21 août 1756.
J'ai bien reçu les dépêches que vous m'avez faites du 6 et du 10 de ce mois, sur lesquelles je vous dirai que j'ai tout sujet de me louer de la manière cordiale et amiable avec laquelle les ministres anglais se sont expliqués à mon égard, mais, quelque déférence que j'aie et aurai toujours pour leurs avis, je suis cependant obligé [de leur dire] que les affaires avec la reine de Hongrie sont si avancées qu'il faut que j'attende sa réponse sur le mémoire que mon ministre à Vienne lui a présenté,249-1 et que, si elle ne se trouve pas entièrement claire et satisfaisante, je ne saurais, sans sacrifier la sûreté de mes États et mon honneur même, laisser le temps à la cour de Vienne d'exécuter toute la noirceur de ses desseins, et, si cette démarche peut m'attirer sur les bras une guerre avec la Russie, je m'y suis préparé, d'autant que de longue main je me suis attendu qu'il en faudrait venir un jour là. Je suis fâché que le ministère anglais n'envisage pas ma situation telle qu'elle est; j'ai tout employé pour conserver la paix et la tranquillité publique, mais, après avoir tous moyens épuisé et après tout ce que la cour de Vienne a fait et les insultes qu'elle me prépare, si je lui donne le temps pour dresser toutes ses batteries à ma ruine, j'atteste le Ciel que je ne connais d'autre moyen de me tirer d'un pas si difficile qu'en la prévenant. Si jamais j'avais eu l'envie d'insulter cette cour et de leur chercher noise, il m'aurait été [possible] de les attaquer il y a deux mois et plus, sans leur laisser le temps de se mettre en force; je prends Dieu à témoin que je n'y ai pas pensé; à présent qu'ils font camper jusqu'à 90,000 hommes en Bohême et en Moravie, tandis qu'il n'y a pas une tente prussienne tendue, ils me font tout plein de chicanes, jusqu'à faire marquer des camps tout proche sur mes frontières et à garnir ces frontières par un cordon de troupes légères, sans compter les autres mauvais procédés qu'ils ne cessent de multiplier.
Quant au secours que Sa Majesté exige de moi pour ses États d'Allemagne, j'avoue que, si j'avais assez de troupes pour faire face de tous côtés, j'aurais envoyé un corps d'armée dans le pays de Clèves, pour le garantir contre tout évènement, mais comme j'ai besoin de toutes mes forces pour me soutenir contre les mauvaises intentions des cours de Vienne et de Pétersbourg, je me suis vu obligé d'exposer mes provinces au Rhin au hasard des évènements. Cependant, pour prouver à Sa Majesté Britannique que je suis véritablement de ses amis, j'ai déclaré à M. Mitchell249-2 que je ferais jusqu'à l'impossible et que, pour cet effet, en cas que les Français fissent marcher des troupes dans le courant de cette année-ci vers le Rhin, Sa Majesté Britannique saurait disposer d'un corps de troupes de 11,000 hommes que j'ai en Poméranie, de façon que ces troupes, en cas de besoin, pourraient être<250> employées pour la défense du pays d'Hanovre jusqu'à la fin de février, mais que, ce mois passé, je serais obligé de les mettre en chemin pour la Prusse, pour qu'elles s'y trouvassent vers la mi-mai, à moins que, contre mon attente, la Russie ne se déclarât neutre et que l'Angleterre ne sût la porter par ses canaux qu'elle se contînt dans ses frontières, sans prendre part à la guerre présente. Voilà comme je sacrifierai mes propres intérêts dans ce moment pour ceux de Sa Majesté Britannique, et si ce Prince veut faire une paix qui lui soit glorieuse et avantageuse à son royaume, à moins qu'elle n'exclue ses amis et alliés, mes ennemis me forçant de faire la guerre, j'en bénirai le jour qui y mettra fin.
Voilà ce que vous pourrez dire aux ministres, en leur marquant ma satisfaction des assurances qu'ils m'ont données que mes intérêts y deviendraient ceux de la nation et ma querelle la sienne.
Federic.
Nach dem Concept.
247-3 Vergl. S. 240.
248-1 Vergl. S. 101. 102.
248-2 Vergl. Bd. XII, 502.
248-3 Vergl. S. 219. 241. 243. 256.
248-4 Vergl. S. 102.
248-5 Vergl. Nr. 7722; auch 7795.
249-1 Vergl. Nr. 7795.
249-2 Vergl. Nr. 787J. 7874.