8112. AU FELD-MARÉCHAL DE KEITH AU CAMP DE JOHNSDORF.

[Sedlitz], 24 [septembre 1756].

Je viens de recevoir les nouvelles ci-jointes du maréchal de Schwerin du 21. Il est sur la Metau à un endroit nommé Nahoran, il a poussé un corps commandé par Buccow, fort du régiment de Nadasdy, de Batthyany et Kolowrat-dragons, et du régiment d'infanterie de l'Empereur. Ce corps appartient à l'armée de Browne; il a repassé l'Elbe, à ce que croit Schwerin, pour se joindre à cette armée. Schwerin me mande encore que Piccolomini commande à Kœniggraetz un corps de 14 régiments: voilà tout ce qu'il sait des ennemis; mais comme il s'en approche, dans peu de jours il en saura davantage. Je crois, Monsieur, que, si vous envoyez des partis de hussards au delà de l'Elbe et sur vos devants, vous ne pouvez pas manquer d'être bien instruit de ce qui se passe là-bas; toutefois parait - il sûr que Browne, n'étant pas en force, est hors d'état d'entreprendre; la seule chose que pourrait faire Piccolomini, s'il s'échappe à M. de Schwerin, est de marcher du côté de la Lusace, et il est de la dernière nécessité d'en être averti à temps, pour s'arranger là-dessus.

Quant aux Saxons, je ne saurais vous dire précisément pour combien ils ont de vivres, mais la misère s'y met, et toutes les petites choses leur manquent. Je voudrais bien que cela fût déjà fini, mais je commence à m'apercevoir qu'ils attendent dans l'espérance de quelque secours; dès qu'ils verront que cette ressource leur manque, c'en sera fait. Il faut d'ailleurs que le château de Tetschen soit conservé jusqu'à ce que toute l'armée se trouve en Bohême; vous voudrez bien fournir la garnison tant de munitions de guerre que de bouche. Ce poste, dans la situation présente, devient important; il achève de serrer la gorge aux Saxons, et des que leur armée sera rendue, il me devient nécessaire pour le transpurt de nos vivres. Adieu, mon cher Maréchal, je vous embrasse.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.

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Bericht Schwerins, Hauptquartier Nahoran 21. September: „Les dernières dépêches de Votre Majesté que le courrier que je Lui avais envoyé le 11, m'a rapportées, étaient du 15.453-1 J'ai été bien aise qu'Elle approuve la résolution que j'ai prise de marcher par le pays de Glatz en Bohême, sur l'avis que Piccolomini marchait avec tout son corps d'armée de la Moravie en Bohême, pour empêcher Votre Majesté d'y pénétrer, après qu'on sut à Vienne Vos desseins, Sire, sur la Saxe.

Comme mon objet principal est de couvrir la Basse-Silésie453-2 de toute incursion ennemie, j'espère que ma démarche procurera un double avantage, s'entend, de m'acquitter de cette partie et de barrer Piccolomini de renforcer Browne, et que Votre Majesté en pourra avoir meilleur marché du dernier, dont je crois maintenant l'objet principal de couvrir et soutenir Prag, lorsqu'il La verra déboucher avec toutes Ses forces par la Saxe, après avoir réduit ce Prince à ce qu'Elle aura voulu, ce qui est un point auquel certainement on ne s'est point attendu à Vienne. Mes dernières nouvelles de Cosel et des frontières les plus avancées de la Haute-Silésie ne marquent encore rien d'aucune incursion ennemie; on prétend même qu'il y a quelque nouveau charivari en Hongrie, qui empêche les troupes qu'on destinait pour une invasion par la Jablunka dans la Haute-Silésie. Sur ce point cependant relata refero.

Il s'agit maintenant de rendre compte à Votre Majesté de ce que j'ai pu faire pour Son service depuis ma dernière du 15. J'ai marché le 16 des environs de Glatz jusques à Wallisfurth, le 17 à Reinerz, et ayant détaché la veille le major général de Wartenberg avec son régiment, 200 dragons et deux bataillons de grenadiers pour avancer sur Nachod, ils eurent le bonheur de s'en rendre les maîtres en renvoyant quelque infanterie et cavalerie, qui marchait pour se saisir de ce poste et nous empêcher par là l'entrée en Bohême. Je fis soutenir le 18 ce premier détachement par le major général Treskow, avec 2,400 hommes d'infanterie et 400 cuirassiers, ne pouvant sortir des boues avec le gros de mon corps, à cause des pluies et des chemins effroyables dans les montages de Glatz, ce qui me détermina à me rendre moi-même avec un détachement à Nachod, où je séjournai le 19, pour faire respirer ce détachement et faire suivre le gros jusques en deçà de Gellenau.

Le 20, tout le corps s'est remis en marche, après que j'eus reconnu le 19 les environs au delà de Skalitz sur la route de Jaromer, où je ne découvris rien; mais m'étant replié sur ma gauche vers la Metau, je découvris un camp ennemi de l'autre côté de ce ruisseau, au delà de Slawetin, qui, m'apercevant, sortit de son camp et se mit en bataille, ce qui me détermina sur-le-champ de marcher à eux le 20 avec mon avant-garde et faire suivre le gros, qui était, comme je l'ai dit, encore à Gellenau, Dès le matin, je me mis en marche avec Wartenberg, les 6 escadrons de cavalerie, soutenus par l'infanterie sous les ordres de M. de Treskow, marchant droit sur la petite route de Nachod à Kœniggrætz à l'ennemi, ignorant encore ses forces, mais bien déterminé de le combattre, s'ils tenaient fermes. Mais M. le lieutenant-général de Buccow, qui commandait ce corps, composé de deux régiments de dragons Batthyany et Kolowrat, de celui d'infanterie de l'Empereur et du régiment de hussards Nadasdy, ne jugea pas à propos de m'attendre et décampa à la hâte, découvrant ma marche, et se retira en bon ordre à Kœniggrætz par un pays aisé. Je n'ai pas laissé de les suivre, jusques à Libritz, à une et une demi-lieue de Kœniggrætz, et j'ai fait deux dragons de Batthyany prisonniers et leur ai enlevé une vingtaine de boeufs qui ne pouvaient pas courir si vite que les autres. Dans cette poursuite, le régiment de Wechmar, qui n'avait joint le gros de l'armée qu'hier, survint à moi; mais comme tout était extrêmement fatigué par les raisons alléguées, je rassemblai tout le corps d'armée aux environs de Nahoran.

Le 21, dès le matin, j'ai été reconnaître de plus près la retraite qu'a fait hier le général Buccow. Au lieu de marcher à Kœniggraetz, il a passé l'Elbe à Cernozic, où il s'est campé et où nous l'avons vu encore ce matin. S'il m'est possible de trouver encore aujourd'hui suffisamment du pain pour mon armée, je marcherai<454> demain avec tout mon corps vers Aujezd à Cernilow, on, si je trouve encore quelques ponts sur l'Elbe, je tâcherai de passer avec un corps assez fort, pour voir si je ne pourrai entamer M. le général Buccow.

P. S.

Tous les avis maintenant affirment que le prince Piccolomini est avec 14 régiments, tant cavalerie qu'infanterie et hussards, à Kœniggrætz; mais on n'a pas su me les nommer. Le corps du général Buccow est de l'armée de Browne, et comme il a passé l'Elbe, je crois que son dessein est d'aller joindre son chef.



453-1 Vergl. Nr. 8041.

453-2 Vergl. S. 166.