8123. AU FELD-MARÉCHAL DE KEITH AU CAMP DE JOHNSDORF.

Keith berichtet, Lager von Johnsdorf 25. September: „J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté le rapport que [le lieutenant-colonel Strozzi]465-1 m'a fait ce matin. Je le croîs véritable, car je ne crois pas que le maréchal Browne se serait aventuré d'avancer lui-même si près de l'armée que Votre Majesté a ici, avec si peu de troupes qu'il doit avoir, n'étant pas joint par Piccolomini, puisque, si Elle donnait ordre davancer jusque sur le bord de l'Egre, il sera obligé ou de rétrograder, sans se présenter devant nous, ou de risquer une action en plaine, qui naturellement ne pourrait tourner qu'à sa honte, vu la nombreuse et bonne cavalerie que Votre Majesté a dans ce corps, qui assurément décidera bientôt l'affaire en Sa faveur dans la plaine, au lieu qu'ici dans les montagnes et derrière les retranchements j'ai été obligé de les mettre en seconde ligne, où le terrain, quoique j'ai choisi tout ce qui pourrait leur convenir le plus, ne leur est pourtant pas trop favorable. Votre Majesté voit, par la prise de Tetschen et le pont qu'Elle a sur l'Elbe, qu'Elle est maîtresse de toute la rivière. Si Son armée s'avançait sur le bord de l'Égre, il serait impossible à l'ennemi, par la difficulté du terrain de l'autre côté de l'Elbe, de venir avec des équipages; ainsi tout se réduira à des parties des troupes légères. Cette position sur l'Égre l'obligera de venir vis-à-vis du front; il ne pourrait s'approcher des montagnes de Bohême et de l'armée de Votre Majesté qu'en la passant. On m'assure que les passages ne sont pas fréquents; que les bords dans plusieurs endroits sont bordés de rochers et presque partout hauts; que même dans cette saison les gués sont en petit nombre et d'un difficile abord. Si Votre Majesté veut jeter l'œil sur le cours de cette rivière, je crois qu'Elle verra que rien ne pourrait mieux couvrir Son armée que celte position. Je suppose même que le maréchal Browne par quelque marche imprévue trouvât moyen de passer la rivière, je ne crois pas qu'il oserait jamais entrer dans les défilés des montagnes, m'ayant à ses trousses, avec une certaineté de perdre toute son arrière-garde et tous les bagages qui seraient en arrière; et s'il envoyait ses équipages en avant, il faudrait qu'il restât quelques jours même dans la plaine, pour leur donner le temps de monter par des défilés presque impraticables, ce qui lui attirera toujours un combat dans la plaine, qui, selon toutes les apparences, ne pourrait être que favorable pour les troupes de Votre Majesté, vu Sa supériorité en toute façon en cavalerie. Je vous avoue, Sire, qu'au premier coup d'œil ceci paraît hasardeux. Il y a trois jours que je réfléchis dessus, sans avoir osé l'ex<466>poser à Votre Majesté; mais plus je l'examine, moins périlleux il me paraît, puisqu'étant beaucoup plus fort en cavalerie qu'en infanterie, je me mets en état de faire usage de toutes mes forces; en outre, Sire, je vois que, si nous n'avançons pas dans quelques jours plus loin dans la plaine, les subsistances deviendront presque impossibles pour la cavalerie, qui a fourragé déjà jusqu'à Teplitz et peut-être plus loin, selon le dire des paysans, quoique les officiers de ce corps ne l'avouent pas. Si Votre Majesté trouve ma proposition déraisonnable, je La prie très humblement de ne l'attribuer qu'à l'envie que j'ai d'assurer un entier repos à Son armée de ce côté, pour le temps qui lui sera encore nécessaire pour réduire les Saxons à quelques conditions qui pourraient être convenables à Ses intérêts.“

„Rapport du lieutenant-colonel Strozzi …: Sur les montagnes de l'autre côté de l'Elbe,466-1 il n'y a que peu de monde, envoyé par le comte Wied, pour nous observer; ces gens-là font un cordon d'ici jusqu'à Lobositz. Que c'étaient des hussards de Festetics, qui se déguisaient en pandours, avec leurs manteaux rouges et les souliers à la pandoure, pour faire d'autant plus de bruit. Qu'il n'y avait que le corps qui était sous le général Wied à Lobositz, lequel avait été renforcé par trois régiments, c'est-à-dire Browne, Kheul et encore un autre, dont il ne savait pas le nom. Un bas-officier a été envoyé par Strozzi avec 6 hommes, qui doit pousser sa patrouille jusque vers Budin et en rapporter des nouvelles certaines. Selon les nouvelles les plus certaines qu'il avait, l'armée impériale se trouvait encore entre Kolin et Czaslau. Il ajoute encore que deux canons de fer, de la poudre à canon et autres munitions avaient été en chemin, pour entrer dans Tetschen; mais ayant appris que nous nous en étions rendus maîtres,466-2 ils étaient retournés. Que ces choses avaient été escortées jusqu'à une certaine distance par des hussards qui, après cela, s'étaient retirés et avaient envoyé le convoi seul. Le lieutenant-colonel, l'ayant appris, a envoyé après un bas-officier et quelques hussards pour le prendre; mais il ignore jusqu'ici si on l'attrapera. Il loue beaucoup son espion et assure qu'il lui rapporte tout fidèlement; mais il se plaint qu'il est cher et que lui, Strozzi, avait déjà donné tant d'argent qu'il ne lui en restait plus.“

[Sedlitz], 26 [septembre 1756J.

Vos propositions, mon cher Maréchal, seraient très fort de mon goût, mais voici ce qui m'empêche d'y souscrire. Vous n'avez que pour 10 jours466-3 de pain et de farine, cette provision finit le 5 d'octobre; or, si vous avancez sur l'Égre, comment votre charroi pourra-t-il faire une plus grande traite pour vous mener vos subsistances? Voilà l'embarras. Si nous avions l'Elbe libre, cela se ferait tout de suite; mais, pour à présent, je crains que ce ne soit trop hasarder vos vivres, si vous poussiez plus en avant. Le seul moyen que j'imagine pour vous mettre en état d'exécuter ce projet, ce serait de faire décharger vos caissons à Aussig et de me les envoyer ici; je pourrais faire venir de Dresde ma farine par eau jusqu'à mon pont, y charger vos caissons et vous les renvoyer; je dois cependant ajouter à ceci que vous seriez obligé de donner le fourrage pour les chevaux qu'il me serait impossible de leur fournir ici.

Je crois les nouvelles de Strozzi bonnes, elles sont vraisemblables. Pour que vous ne manquiez ni d'espion ni de nouvelles, je vous envoie 2,000 écus, dont vous pourrez rembourser les avances que les officiers<467> ont faites, et entretenir des oreilles et des yeux pour observer les Autrichiens.

A force de me retourner, j'ai enfin des nouvelles positives de l'état des vivres de l'armée saxonne, et je puis vous dire avec assurance que leurs magasins sont vides et qu'ils n'ont plus que pour 5 jours du pain, du grain des granges qu'ils ont fait battre et moudre, moyennant quoi je calcule que le 1er d'octobre terminera cette grande affaire. Les déserteurs viennent en nombre et en foule; je m'en rapporte peu à leur témoignage, cependant il s'accorde avec celui des bourgeois de Pirna et des autres personnes que j'ai mises en œuvre pour savoir l'état véritable de leurs affaires. Voilà donc, mon cher Maréchal, notre projet de campagne en train d'être exécuté à la lettre.

On me mande de Vienne467-1 que rien n'y est plus rare que l'argent; bagatelle! On foule les Hongrois, ils sont mécontents, et l'on retire les troupes de ce royaume: tout ceci peut apprêter des scènes nouvelles pour l'année prochaine; pour à présent, ne pensons qu'à celle-ci et disons comme le proverbe italien …: Qui a tempo, a vita. Adieu, mon cher Maréchal, je vous embrasse.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



465-1 Vergl. unten S. 466.

466-1 Das rechte Elbufer.

466-2 Vergl. S. 442.

466-3 In der Vorlage verschrieben: 16. Vergl. Nr. 8124.

467-1 Bericht Klinggräffen's, Wien 18. September.