8326. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

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Michell berichtet, London 22. October: „Je comptais pouvoir mander par le retour du colonel de Lentulus,38-1 que l'on a retenu jusques à aujourd'hui, quelque chose d'ultérieur sur les sentiments de cette cour relativement aux circonstances présentes; mais les différends qui sont survenus, depuis quelques jours, entre le duc de Newcastle et le sieur Fox, ont suspendu ici toute affaire. Ce dernier a demandé sa démission au Roi, se plaignant de ce que le duc de Newcastle s'emparait trop du pouvoir et le maltraitait. Le prétexte apparent qu'il a pris pour cet effet, vient de ce qu'il prétend que le duc de Newcastle a nommé toute la maison du prince de Galles, que l'on vient de former, sans le consulter, et que dans toute autre occasion, bien loin de s'entendre avec lui, ce duc se décidait despotiquement. Le Roi ne s'est pas encore déterminé sur le parti qu'il prendra dans cette occasion, mais, suivant toutes les apparences, les choses tourneront en faveur du duc de Newcastle, qui est actuellement occupé à s'arranger pour jeter les yeux sur quelqu'un qui remplace le sieur Fox dans le poste de secrétaire d'État, et qui soit capable par lui-même et par ses amis de ne pas faire perdre au duc de Newcastle la supériorité qu'il conserve depuis si longtemps dans l'administration de ce royaume, aussi bien que la majorité dans le Parlement. Votre Majesté sentira donc aisément que dans une pareille crise il ne doit être question ici d'aucune affaire relativement à l'étranger, aussi n'y songe-t-on pas dans le moment présent.“

Sedlitz, 13 novembre 1756.

Les dépêches que vous m'avez faites du 22 d'octobre et du 2 de ce mois m'ont été fidèlement rendues. J'avoue que c'est avec une peine extrême que j'ai appris la fâcheuse nouvelle de la brouillerie qui s'est élevée entre les ministres anglais,38-2 qui, quoiqu'elle ne changera rien, à ce que je suis persuadé, au système qu'on a pris à mon égard, fait néanmoins perdre des moments aussi précieux que ceux du temps présent, où il fallait prendre des mesures d'un concert commun contre l'ennemi commun, qui de son côté n'oublie rien pour se préparer à faire des efforts extraordinaires, l'année qui vient, contre nous, pour parvenir à ses vastes et ambitieux desseins. C'est pourquoi aussi vous devez tâcher, s'il y a moyen, de leur représenter de la manière la plus amiable de ma part que je les priais au nom de Dieu de réfléchir sur les circonstances critiques de la conjoncture présente et de sacrifier leurs ressentiments personnels avec leurs différends à la gloire et aux intérêts de la nation, afin que sans cela la France et ses alliés ne retirent tout l'avantage de la guerre présente en humiliant la Grande-Bretagne et en opprimant ses amis. Vous leur ajouterez cordialement que la France ne manquerait pas de se réjouir extrêmement de ces brouilleries qui lui donnaient beau jeu, en ce que l'Angleterre perdait au moins le temps propre et très pressant pour prendre des arrangements pour la défense de la cause commune, et que c'était donc pour l'amour de leur patrie qu'ils voudraient bien suspendre leurs ressentiments particuliers. Enfin, vous n'oublierez rien de ce que vous trouverez

convenable pour leur représenter combien le temps pressait à songer sérieusement à des mesures efficaces à prendre pendant ce temps d'hiver, pour s'opposer, de bonne heure et quand il sera le temps encore, aux efforts que l'ennemi va faire l'année prochaine, et dès que la saison lui permettra d'agir.

Au reste, je ne veux pas vous laisser ignorer que je viens d'apprendre de la manière la plus positive39-1 que, comme la France sent quelque répugnance d'envoyer le corps de troupes auxiliaires de 24,000 hommes à la Reine-Impératrice pour agir en Bohême et en Moravie, cette Princesse ayant insisté toujours jusqu'ici fortement qu'on y envoie promptement ce corps qu'elle était en droit d'exiger, et qu'elle voudrait qu'il fût incorporé dans ses armées pour en disposer à son gré, la France s'est avisée d'un autre plan, dont elle a chargé le comte d'Estrées qu'elle a envoyé à Vienne avec ordre d'y insister fortement et de faire les plus grands efforts auprès de l'Impératrice-Reine pour la disposer à y donner son suffrage, au moyen duquel plan la France s'offre de faire marcher toute seule 50,000 hommes pour entreprendre une diversion contre mes États de Clèves et en Westphalie; que la France veut entretenir cette armée à ses dépens et pourvoir à tous les frais de la guerre, pourvu que l'Impératrice-Reine la tiendra quitte des engagements pris par le traité de Versailles et ne voudra rien exiger d'elle par delà cette démarche. Que la France trouvait ce plan d'autant plus de sa convenance, puisque cette même armée devait être employée contre l'électorat d'Hanovre, où elle se proposait également de faire une levée de boucliers dans le cours de l'année prochaine, et après qu'elle se sera rendue maîtresse de la ville de Wésel, afin de brider par là également la Hollande et de faire ainsi d'une pierre plusieurs coups, de sorte que, comme l'on ne doutait point que la cour de Vienne ne dût accepter ces offres avantageuses, le bureau de la guerre à Paris formait déjà sous mains des dispositions qui se rapportent à cet objet, et qu'on se préparait à ouvrir la campagne au mois de mars.

Voilà des nouvelles qu'on m'assure être des plus authentiques, et dont l'exécution dépendrait de la réussite de la commission du comte d'Estrées auprès de la cour de Vienne. Vous ne laisserez pas d'en informer les ministres, en ajoutant d'ailleurs que, comme le sieur de Lentulus m'avait informé du désir qu'ils lui avaient marqué pour que je fisse sonder la cour de Copenhague sur des liaisons à prendre avec l'Angleterre, j'avais d'abord instruit mon ministre à Copenhague d'y agir en conséquence.39-2

Federic.

Nach dem Concept

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38-1 Ueberbringer der preussischen Siegesbotschaft von Lobositz. Vergl. S. 34. 40.

38-2 Vergl. S. 30. 34.

39-1 Vergl. Nr. 8314.

39-2 Vergl. Nr. 8320.