8656. AU MARGRAVE RÉGNANT D'ANSPACH A ANSPACH.

Berlin, 26 février 1757.

Monsieur mon Cousin, Frère et Beau-Frère. J'ai vu par la lettre de Votre Altesse du 28 de janvier qu'Elle a pris sans retour la résolution de sacrifier mes intérêts et les Siens propres aux vues pernicieuses d'une maison qui ne cherche qu'à détruire la nôtre. Je ne me flatte pas de La faire revenir de Ses principes, mais je crois pourtant devoir encore aux liens qui nous unissent par tant d'endroits, cette dernière démarche de Lui faire voir le peu de fondement que je trouve dans les raisons dont Elle Se sert pour excuser le parti qu'Elle a pris à la Diète.315-1

Votre Altesse allègue principalement la situation de Ses États,<316> mais Elle n'ignore pas que le duc de Würtemberg, le margrave de Baireuth et celui de Bade-Durlach, qui se trouvent dans la même situation qu'Elle, n'ont pourtant pas laissé d'accéder à la pluralité des princes protestants. Pourquoi ne pas suivre un exemple si beau et si conforme aux véritables intérêts de Son État et de Sa gloire? Comment pouvait-Elle craindre d'être forcée d'entrer dans les vues du parti le plus fort? Il n'est pas encore si décidé lequel parti est le plus fort. Le nombre considérable des princes les plus puissants et les plus respectables de l'Allemagne qui ont voté pour les voies de la douceur, peut bien entrer en balance avec un nombre supérieur d'autres États, dont une partie ne possède pas même un pouce de terrain dans l'Empire.

Que pouvait-Elle craindre d'ailleurs de plus de la part de la cour de Vienne que ce qu'Elle a toujours éprouvé de sa part dans le temps même qu'Elle a eu le plus de complaisance pour elle : ce sont des menaces et des chicanes dans Ses procès. Il n'y a point d'apparence que cette cour serait allée plus loin. Elle connaît trop bien ses intérêts, pour qu'elle eût osé publiquement faire violence à un État de l'Empire, pour avoir exercé le droit de son libre suffrage. Mais Votre Altesse me dit assez clairement qu'Elle a cru plus important pour Elle d'éviter l'indignation de l'ennemi juré de notre maison, que de S'attirer le mécontentement d'un Prince qui est Son plus proche parent, et dont l'amitié ne Lui a pas été inutile. Le temps Lui fera voir si Elle a bien choisi.

Ce ne sont pourtant pas les droits du sang et de la reconnaissance seuls qui plaident en ma faveur, ce sont des titres encore plus forts et plus respectables qui auraient dû me garantir le suffrage de Votre Altesse. Je n'ai jamais prétendu La traiter en prince apanage, comme Elle m'en accuse avec la plus grande injustice dans Sa réponse à mon ministre à la Diète de l'Empire, le baron de Plotho.316-1 Je ne prétends pas porter atteinte à Ses prérogatives d'un prince souverain, mais je réclame la foi de Sa parole et de Ses traités.316-2 Votre Altesse avoue Elle-même dans Sa lettre m'avoir promis Son suffrage. Elle sait les engagements qu'Elle a pris avec moi par les pactes de la maison, et qui ne Lui laissent pas les mains libres; Elle juge sans peine qu'une convention bilatérale n'oblige une des parties contractantes qu'autant que l'autre est exacte à la remplir. Enfin, Elle doit reconnaître que toutes les raisons de la bonne foi, de la reconnaissance et même celle de Sa propre convenance se réunissent en faveur d'un système qui est en même temps celui de la justice.

Si des raisons aussi importantes peuvent encore faire quelque impression sur Son esprit prévenu, je dois m'attendre qu'Elle ne balancera<317> pas plus longtemps à réparer l'injustice qu'Elle m'a faite, en accédant à la saine partie des princes protestants. Sa réputation ne saurait souffrir par un changement pareil, car l'honneur de Sa bonne foi est plus intéressé à réaliser des engagements antérieurs et primitifs qu'à observer ceux qu'Elle a contractés en dernier lieu et au préjudice des premiers. Quand deux obligations sont en collision, la plus forte et la plus ancienne doit l'emporter.

Votre Altesse suppose que Sa démarche n'aura aucune mauvaise influence sur mes desseins, ni sur les intérêts de la cause protestante. Mais c'est justement Son exemple qui me fait le plus de tort. On voit un prince de mon sang et de ma religion qui se déclare contre moi, et on en tire les conséquences les plus désavantageuses, quelque peu fondées qu'elles soient en elles-mêmes.

Si, malgré la force de toutes ces raisons, Votre Altesse continue à étouffer la voix du sang et de la justice, si Elle persévère à fermer Ses oreilles aux sages conseils de Ses ministres, et à ne les prêter qu'aux insinuations malicieuses de quelques personnes publiquement vendues à la cour de Vienne, il faut que je m'en console, mais il est sûr que, quel que soit mon sort, les amis mêmes qu'Elle S'est choisis à présent, La feront repentir un jour de la conduite qu'Elle tient à mon égard. Il me suffit pour ma tranquillité de ne l'avoir pas méritée.

Il ne sera pas dit que vous m'avez offensé impunément, et si Dieu me laisse vie, vous ne tarderez pas de vous en repentir.

Federic.

Nach dem Concept; der Zusatz in der Ausfertigung eigenhändig.317-1



315-1 Vergl. Nr. 8529.

316-1 D. d. Günzenhausen 12. Januar. Vergl. S. 206 Anm. 3.

316-2 Vergl. Bd. XI, 409; XII, 174. 272; XIII, 67. Die Familienverträge vom 24. Juni, 11. und 14. Juli 1752 vergl. in: Schulze, Die Hausgesetze der regierenden deutschen Fürstenhäuser, 1883, Bd. III, S. 600 und 740 ff.

317-1 Im Ministerium concipirt in Form eines Handschreibens ohne Contrasignatur, Podewils bemerkt auf dem Concept: „Das Original hiervon ist [mit] Sr. Königl. Majestät Unterschrift den 1. Martii zurückgekommen. Höchstdieselbe hatten aber die gewöhnliche Courtoisie zwei Mal ausgestrichen und mit eigener hoher Hand darunter gesetzet: „Il ne sera pas dit que vous m'avez offensé impunément, et si Dieu me laisse vie, vous ne tarderez pas de vous en repentir.“