8660. AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A BERLIN.319-7
Dresde, 27 février 1757.
Vous connaissez, Monsieur, combien les intérêts du Roi votre maître et de la nation me sont chers. Pour ne perdre aucune<320> occasion de leur en donner des marques, et pour vous convaincre également de l'estime et de la confiance que je vous porte, je veux bien vous confier qu'il m'est revenu hier dans le plus grand secret qu'une personne ici d'un rang distingué, en s'entretenant confidemment avec un de ses amis de cœur, s'est échappé de lui dire en dernier secret que les Français ont le dessein de faire une diversion en Irlande le printemps qui vient, et que le débarquement doit se faire à Cork et à Waterford; qu'ils sont en négociation avec le Prétendant pour le déterminer à se mettre à là tête de cette expédition, mais que celui-ci ne veut se prêter à rien, à moins que les cours de Vienne et de Pétersbourg ne se rendent garantes des engagements qu'il pourrait prendre avec celle de France. Que le plan des Français était de lâcher, en même temps qu'ils présenteront cet épouvantail à l'Angleterre, une grande quantité d'armateurs dans la Manche, afin d'obliger l'Angleterre à partager ses forces navales, pour faire face à ces différents objets, et qu'après que l'Angleterre aurait pris toute la frayeur qui lui en doit revenir, ils lui proposeront de nouveau une paix séparée320-1 aux conditions qu'ils lui dicteront.
Qu'outre cela ils voudront agir séparément en Allemagne avec un grand corps d'armée, dont une colonne doit marcher à la mi-mars à peu près pour tomber sur Wésel et ensuite sur la Westphalie et l'Hanovre. Qu'ils comptaient beaucoup sur l'argent qu'ils tireront de l'Hanovre, pour fournir aux frais de guerre,320-2 mais que, pour amuser mieux le gouvernement d'Hanovre, afin qu'il ne s'empresse pas à se mettre en un état de défense, ils lui renouvelleront, dès qu'ils auront poussé dans la Westphalie, la neutralité pour l'électorat aux conditions que la cour de Vienne l'avait offerte.
Qu'au surplus le Pape venait d'envoyer un émissaire en Allemagne, nommé le père Marine, qui se trouvait à l'incognito auprès de l'électeur de Cologne, pour faire la tournée à toutes les cours catholiques, afin de les exhorter à faire cause commune ensemble, pour se garantir des dangers auxquels la religion catholique-romaine paraissait être exposée dans la crise présente des affaires.
Voilà, Monsieur, précisément l'avis que je donne tel que je l'ai reçu, sans que je voudrais absolument en garantir entièrement la vérité en toutes les circonstances; mais comme il me paraît être toujours utile d'être instruit de pareils projets, soit pour les éclairer, soit pour prendre ses mesures de loin et avant que l'effet en éclate, j'ai cru nécessaire de vous en informer, afin que vous en fassiez tel usage que vous trouverez convenable, auprès de votre cour, quoique je souhaiterais que vous le fassiez en sorte de ne pas exposer le canal d'où l'avis m'est dérivé. Sur quoi, je prie Dieu etc.
Federic.
Nach der Ausfertigung im British Museum zu London.
<321>319-7 Mitchell bemerkt in dorso: „Rendered from count Podewils at Berlin 3d March.“
320-1 Vergl. S. 291.
320-2 Vergl. 120.