8661. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES

Dresde, 27 février 1757.

Je vous fais cette dépêche pour vous communiquer, quoique sous le sceau du secret, un avis que j'ai eu depuis hier d'une personne qui assure l'avoir tiré de source, et qui m'a paru assez important, supposé qu'on y ait accusé juste, pour que le ministère anglais ne l'ignorât pas.

Il s'agit d'un dessein que les Français ont de faire une diversion en Irlande le printemps qui vient, où le débarquement doit se faire à Cork et à Waterford; qu'ils sont en négociation là-dessus avec le Prétendant, pour le déterminer à se mettre à la tête de cette expédition, mais que celui-ci ne veut se prêter à rien, à moins que les cours de Vienne et de Pétersbourg ne se rendent garantes des engagements qu'il pourrait prendre avec celle de France. Que, selon ce projet, les Français lâcheront en même temps qu'ils présenteront cet épouvantail à l'Angleterre, une grande quantité d'armateurs dans La Manche, afin de forcer l'Angleterre à partager ses forces navales, pour faire face à ces différents objets, et qu'après avoir mis cette puissance dans la frayeur qu'ils croient qu'elle leur en reviendra, ils veulent lui proposer de nouveau une paix séparée à faire aux conditions qu'ils lui dicteront.

Outre ceci, la France avait résolu d'agir en Allemagne avec un grand corps d'armée, dont la première colonne se doit mettre en marche à la mi-mars à peu près, pour tomber sur Wésel et sur la Westphalie, tout comme sur l'Hanovre. Qu'ils comptent beaucoup sur l'argent qu'ils tireront de l'Hanovre, pour fournir aux frais de guerre, mais que, pour amuser en attendant le gouvernement d'Hanovre, afin de négliger ses précautions, ils lui renouvelleront de même, dès leur arrivée en Westphalie, les propositions déjà faites pour la neutralité de l'électorat.

Qu'au surplus, le Pape venait d'envoyer un émissaire en Allemagne, nommé le père Marine, qui se trouvait actuellement à l'incognito à Cologne, pour faire la tournée à toutes les cours catholiques en Allemagne et les exhorter à faire cause commune ensemble, afin de se garantir des dangers auxquels la religion catholique-romaine paraissait être exposée dans la crise présente des affaires.

Voilà précisément l'avis que je donne tel que je l'ai eu, quoique je ne voudrais pas tout-à-fait garantir la vérité. Cependant, en fidèle allié de l'Angleterre, j'ai cru devoir lui tout communiquer; en conséquence de quoi, vous en ferez communication confidente aux ministres d'Angleterre , en les priant de me la ménager au point que je ne perde pas le canal d'où ceci m'est dérivé.

Federic.

Nach dem Concept.

<322>