<102> que vous dans le monde qui puissiez faire de pareilles choses et penser aux petites choses, pendant que vous en exécutez de grandes. Cette lettre sera enchâssée dans de l'or, et je la conserverai toute ma vie comme un monument de votre amitié. Elle fera mon éloge après ma mort. On me croira beaucoup de mérite, puisque le plus grand de tous les hommes m'a honoré de ses bontés. Plût au Ciel que je pusse les mériter! Mourir pour vous, est un bonheur que j'envie à tous ceux qui ont péri.
Folard1 est à Nuremberg, où il tient toujours le même langage. Il y a trop de risque, dit-il, à faire les premières ouvertures — il n'y aurait rien de plus glorieux pour vous, mon cher frère, qu'à faire des propositions de paix, après avoir remporté une si grande victoire — qu'ils2 ne pouvaient commencer de négociation en qualité de garants, puisqu'ils perdraient par là tous leurs alliés; mais qu'ils ne souhaitent rien avec plus d'ardeur que la paix. Je ferai mon possible, pour le payer de la même monnaie.“
[Au camp de Prague,] 29 [mai 1757].
Ma très chère Sœur. En vérité, ma chère sœur, vous êtes très peu charitable : il y a de quoi faire tourner la tête à un honnête homme, en lisant votre lettre; à peine ai-je eu le courage de la lire. Cette bataille, ma chère sœur, n'est que l'œuvre des braves gens qui ont sacrifié leur vie pour le salut de l'État, et je n'ai eu d'autre part à tout cela que l'honneur de les commander.
Notre grosse artillerie a eu de la peine à arriver; nous avons en attendant pris nos positions, en chassant de ce côté-ci l'ennemi du Ziska et des montagnes voisines. Le 24 ils ont fait du petit-côté une sortie sur le maréchal Keith,3 où ils ont été repoussés avec perte de 1500 hommes. Nous commencerons ce soir à les attaquer en forme par notre artillerie,4 et notre besogne doit être décidée entre ci et huit jours. Ils sont 40,000 hommes et 10,000 blessés dans la ville. Si nous parvenons à brûler leurs magasins, ils seront ni plus ni moins obligés de se rendre. Si cela ne réussit pas tout-à-fait, il faudra voir comment on pourra faire pour les obliger au moins à ne pas servir contre moi ni mes alliés en deux ans.
Je comprends par le langage de Folard qu'il serait bien aise que je lui fisse des propositions, pour que sa cour ou celle de Vienne pût les communiquer au roi d'Angleterre et nous brouiller ensemble;5 mais il n'en sera rien : c'est à ceux qui sont dans le désavantage, à demander la paix, mais non pas à ceux que la Fortune favorise; d'ailleurs la France m'a trop offensé, pour que j'eusse jamais la bassesse de m'adresser à elle, pour gueuser la paix.
Vous serez sûrement informée, ma chère sœur, de tout ce qui se passe ici. J'ai oublié de vous dire que l'électeur de Bavière m'a envoyé ici un colonel de ses troupes, pour m'assurer qu'il se désistait de tous les engagements qu'il avait pris contre moi,6 et qu'il ne fournirait ni troupes ni contingent. Voilà la planche faite : c'est à présent aux autres à suivre cet exemple, et je serai fort traitable pour ceux qui reviendront de leur étrange égarement.
1 Vergl. S. 41.
2 Scil. „les Français.
3 Vergl. S. 74—76.
4 Vergl. S. 104.
5 Vergl. S. 35. 83.
6 Vergl. S. 77. 92.