8923. AU COMTE ALGAROTTI A BOLOGNE.
Camp devant Prague, 10 mai 1757.
Le Roi m'a ordonné, Monsieur, ne pouvant le faire lui-même, de vous apprendre qu'il vient de gagner près de Prague la bataille de Pharsale. Je crois qu'un récit abrégé de ce qui a précédé cette grande action, vous fera plaisir.1
Sur la fin de l'hiver, le Roi fit construire des redoutes à toutes les portes de Dresde et tracer des lignes. Il persuada par là aux ennemis qu'il voulait se tenir sur la défensive. Il entra dans les quartiers de cantonnement le 24 de mars,2 et ne cessa, dès le moment qu'il y fut, de faire reconnaître des camps dans tous les endroits par où l'on pouvait déboucher dans la Saxe. Enfin, il fit marcher différents corps, et de différents côtés, pour voir si l'ennemi prenait l'alarme, et s'il était réellement convaincu que le Roi n'agirait point offensivement.3 Il parut, à leurs démarches, qu'ils s'étaient persuadés que le Roi ne voulait point entrer en Bohême, car ils ne faisaient que replier leurs postes avancés. Nos corps revenaient aussi sur leurs pas, ce qui acheva de leur donner le change.
Après les avoir ainsi préparés, le Roi quitta, le 20 d'avril, son quartier de cantonnement et donna le même ordre à toutes les troupes; le 21 son armée se trouva rassemblée à Ottendorf, sur les frontières de Bohême.
Le maréchal de Schwerin était entré, de son côté, le 18 en Bohême, dirigeant sa marche sur Jung-Bunzlau, où les ennemis avaient un de leurs plus grands magasins. Le duc de Bevern pénétra en même temps par la Lusace, du côté de Friedland et de Zittau, le prince Maurice du côté d'Eger. Le duc de Bevern devait joindre le maréchal de Schwerin; mais, avant de le joindre, il gagna sur le comte de Kœnigsegg une bataille auprès de Reichenberg.
Le prince Maurice joignit le Roi, qui marcha à grandes journées, poussant toujours l'ennemi devant lui. Rien ne résista aux gorges. Nous avions cru être arrêtés au passage de l'Eger; mais le Roi fit une marche de nuit, et ses ponts furent jetés, et la moitié de son armée de l'autre côté, que l'ennemi n'en savait rien. Le maréchal Browne se retira assez vite. On s'était flatté qu'ils attendraient le Roi sur le Weissen Berg, poste très avantageux sous le canon de Prague; mais nous trouvâmes qu'ils avaient passé la Moldau. Il fallut encore passer cette rivière. Le Roi prit vingt bataillons et quelques escadrons avec lui et fit jeter un pont. On passa sans résistance. Le Roi avait fait ordonner au maréchal de Schwerin de le joindre de l'autre côté de la Moldau.
Le 6 de ce mois, il joignit le Roi de grand matin. On reconnut le camp des ennemis, et le Roi, voyant bien qu'il était inattaquable
1 Vergl. zu dem Folgenden Nr. 8917 und Bd. XIV, 556.
2 Vergl. Bd. XIV, 408. 409. 410.
3 Vergl. Bd. XIV, 514.