9234. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.
Pirna, 26 juillet 1757.
J'ai bien reçu vos deux dépêches du 8 et du 12 de ce mois, et je ne dois pas vous laisser ignorer que ma situation commence à être des plus critiques, les Russes ayant fait une invasion avec un corps de leur armée en Prusse, y ayant assiégé et pris Memel,1 et que, comme l'Angleterre n'a point envoyé l'escadre promise dans la Baltique,2 la Russie menace de faire une descente non loin de Kœnigsberg, pendant que mon feld-maréchal de Lehwaldt est obligé d'observer la grande armée russienne sous Apraxin, pour ne pas voir inondée tout à coup la Prusse de troupes russiennes. Il faut que vous sachiez, outre cela, que la Suède, ne sachant point d'escadre anglaise à portée pour la tenir en respect, fait passer avec un empressement extrême de ses troupes sur de petits bâtiments en sa Poméranie et à Stralsund, et que son dessein est de m'entamer hostilement à travers du Mecklembourg et de la Poméranie antérieure avec un corps de 17,000 hommes dans la Marche Électorale; que les troupes de l'Empire s'assemblent pour marcher à moi du côté d'Eger en Bohême avec quelques troupes autrichiennes, et que l'armée autrichienne sous le prince Charles et Daun prétend percer par la Lusace. Jugez, après cela, vous-même si je puis me trouver en état de détacher vers l'armée d'observation du côté du pays d'Hanovre,3 et souvenez-vous que, d'abord que je promis d'y enyoyer un corps de mes troupes, j'y ai annexé la condition, savoir au cas que l'Angleterre retînt la Russie.4
Je ne saurais donc m'empêcher, après les grandes et réitérées promesses que m'a données l'Angleterre de vouloir m'assister et me soutenir, qui sont absolument restées jusqu'ici sans effet, de juger que c'est un trop grand ménagement pour la Russie qui a tout empêché, puisqu'on s'imagine peut-être en Angleterre que, sans cela, le commerce de l'Angleterre en Russie en souffrirait après l'expiration de son traité de commerce, ce qui me fait conjecturer qu'on a en Angleterre plus de ménagement pour la Russie que pour moi, et que c'est là la raison pourquoi l'Angleterre ne m'a pas prêté jusqu'à présent la moindre assistance.5
Vous m'assurez toujours que l'Angleterre est résolue d'aller en tout en avant avec moi, pendant que, depuis un an et demi, elle est allée de huit mille pas en arrière à mon égard.
Vous vous faites d'ailleurs illusion si vous pensez que ma situation est plus favorable qu'elle n'est en effet, cette idée n'étant point fondée et y ayant beaucoup à rabattre.
Toutefois je me consolerai de n'avoir manqué à rien de ce que les devoirs d'un bon et fidèle allié de l'Angleterre peuvent exiger de
1 Vgl. S. 241.
2 Vergl. S. 237.
3 Vergl. S. 193. 266. 267.
4 Vergl. Bd. XIII, 609; XIV, 550.
5 Vergl. S. 228. 230.