8996. AU LANDGRAVE RÉGNANT DE HESSE-CASSEL A CASSEL.
Camp de Prague, 26 mai 1757.
Monsieur mon Cousin. J'ai été vivement pénétré de tout ce que vous avez bien voulu me témoigner par la lettre que Votre Altesse m'a faite du 18 de ce mois, et la satisfaction que j'en ai ressentie, a été d'autant plus grande que je sais que tout ce [que] vous m'y avez assuré et fait des vœux pour moi, part du cœur du meilleur de mes amis que j'aie au monde, auquel mes obligations seront à jamais de toutes les preuves convainquantes qu'il m'en a données.
Je remercie Votre Altesse de la communication des nouveaux avis que Lui sont parvenus, et qui me sont toujours intéressants. Pour ce qui regarde celui du passage d'un petit détachement français qui a pris la route du côté de Fritzlar, je serais bien curieux d'être exactement instruit où ce détachement a pris son chemin au delà de ce lieu, et quel en a été le but; car le réputer pour une avant-garde d'un plus grand nombre de troupes, c'est ce qui ne me paraît pas vraisemblable, et j'avoue que jusqu'à présent je ne saurais rien comprendre de cette corvée. Je m'imagine d'ailleurs que, quand les Français seront assez<87> exactement informés du grand échec que les Autrichiens ont souffert ici, de sorte que la plus grande partie de leur armée est délabrée et presque tout ce qu'ils avaient de magasins en Bohême, ou pris ou ruiné, ils n'auront pas trop d'envie de détacher ici.87-1
J'espère encore d'avoir bientôt fait avec la ville de Prague. Quand j'y réussirai, je me suis déterminé à envoyer alors un bon corps de mes troupes dans l'Empire, pour aller à la rencontre à ce que l'ennemi y voudra assembler de troupes, ne doutant pas que cela ne produise un bon effet pour ramener ceux qui, contre leurs propres intérêts, se sont laissé entraîner par la cour de Vienne à de fausses démarches.
Je m'en persuade d'autant plus, par [tout] ce qu'il vient de m'arriver avec l'électeur de Bavière, qui a pris ombrage d'une couple de mes bataillons qui venaient de ruiner entièrement les magasins considérables amassés par les Autrichiens dans la ville de Pilsen et ailleurs aux frontières du Haut-Palatinat,87-2 tant pour la subsistance de leur armée que pour celle des troupes auxiliaires encore qui leur devaient revenir en Bohême de ce côté-là. Ces bataillons étant entrés dans le Haut-Palatinat pour retourner aisément vers ici, l'électeur de Bavière se déclara d'abord pour la neutralité pendant la guerre présente et me dépêcha incessamment son colonel et chambellan baron de Montgelas, pour me donner les assurances les plus positives de non pas seulement vouloir embarrasser cette neutralité, mais de vouloir encore renoncer à tous engagements pris antérieurement en contraire et de n'envoyer point son contingent aux troupes que la cour de Vienne avait extorquées à la Diète, enfin qu'il observerait la neutralité la plus exacte. Je n'ai pas hésité d'accepter d'abord cet offre pour le bien de la cause commune, en demandant cependant de me le confirmer par quelque écrit authentique, ce que son chambellan m'a fait espérer en peu de jours.
Pour informer encore Votre Altesse de ce qui se passe ici, je Lui dirai que, la plus grande partie de l'armée autrichienne s'étant jetée en Prague, sans qu'elle en ait pu ressortir, j'ai employé le temps jusqu'à présent à faire investir cette ville de tout côté, en faisant fortifier mes postes, tout comme les collines qui dominent la ville, et qui m'ont procuré le moyen d'en approcher d'assez près, me trouvant dans quelques points de ma circonvallation à 500 pas de la ville. Comme je pense qu'il ne soit expédient d'ouvrir la tranchée devant une ville défendue d'une garnison qu'on évalue, selon mes nouvelles, à passé 35,000 hommes, je ne vois aucun autre moyen de ruiner leurs magasins [que] les bombes, afin de forcer par là la garnison à sortir malgré elle ou à se rendre, à quoi j'ai fait tout préparer. Ils sont sortis trois fois pour percer au travers de nous, et la dernière fois au nombre de 10,000 hommes, mais toujours sans succès et en laissant la dernière fois au delà de 1000 hommes sur la place. 87-3
<88>Comme, d'ailleurs, 8000 fuyards de la droite de leur armée, poursuivis par mes troupes le jour de la bataille, ont passé la Sazawa et marché à Beneschau, d'où ensuite ils ont repassé cette rivière pour se joindre au maréchal Leopold Daun, qui se trouva le jour de l'action à Bœhmisch-Brod, et qui, sur la nouvelle de la défaite de leur grande armée, se retira sur Nimburg, j'ai détaché sur-le-champ le lieutenantgénéral prince de Bevern pour le talonner, qui l'a aussi poussé de poste en poste jusqu'à Czaslau, en lui enlevant trois à quatre magasins assez considérables. Je crois qu'il pourra le rejeter encore plus loin en arrière, et l'on m'avertit même qu'il a envoyé son bagage, ses malades et ce qui lui reste de magasins, vers la Moravie et à Iglau.88-1
Je me flatte de pouvoir donner dans peu à Votre Altesse des nouvelles plus positives de ce qui se passe chez nous, en attendant qu'Elle ait la bonté de me faire informer au mieux de tout ce que les Français font de mouvements dans ces contrées-là, et ce qu'ils peuvent préparer de mesures.
C'est avec toute la cordialité imaginable que je réitère d'ailleurs à Votre Altesse les sentiments les plus vifs de l'amitié et de la considération avec lesquels je suis toujours, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse le bon cousin
Federic.
Nach dem Concept.
87-1 Vergl. S. 79.
87-2 Vergl. 52. 77. 92.
87-3 Vergl. S. 76. 78.
88-1 Vergl. S. 52. 63. 67.