9088. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.
Camp de Prague, 11 juin 1757.
J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite du 24 de mai, laquelle, ne me marquant pas la moindre chose intéressante, m'oblige de vous renvoyer à mes dépêches antérieures et de réitérer ce que je vous ai déjà mandé, que jusqu'au moment-ci je n'ai vu de la part de l'Angleterre que des promesses et de bonnes paroles sans aucun effet.162-5 J'ai d'ailleurs observé par votre susdit rapport que même vous ne sonnez pas mot de la nouvelle administration,162-6 ce qui me fait juger qu'on est encore bien éloigné de la voir fixée, et que les divisions vont leur grand train, au grand détriment de la cause commune et même de la gloire et de l'intérêt de la nation et du gouvernement.
<163>Comme le sieur Mitchell vient de recevoir un courrier de Russie163-1 qui lui apprend que les troupes de ce pays sont actuellement en marche, pour ne pas plus tarder d'attaquer en force et par trois corps séparés ma province de Prusse, et que d'ailleurs l'Impératrice a fait communiquer aux ministres autrichien, suédois, français et saxon,163-2 mais pas aux ministres d'Angleterre, de Danemark, ni de la Hollande,163-3 une note en termes très indécents et tout-à-fait inusités entre nations policées, par laquelle elle déclare qu'elle était fermement résolue de venger sur moi, d'une façon la plus sensible, les avantages que j'avais eus sur les Autrichiens, en bloquant mes ports de mer par ses vaisseaux, en ruinant le commerce de mon pays et en m'attaquant de toutes ses forces par terre et par mer.
Ledit sieur Mitchell va informer aujourd'hui sa cour, par un courrier qu'il dépêchera, de ces nouvelles, et lui fera part en même temps de l'affront qui a été fait à son courrier, que les Russes n'ont pas voulu laisser passer au delà de Mitau en Courlande,163-4 prétendant que le courrier devait leur remettre ses dépêches ou les envoyer par une estafette à Pétersbourg, sans y passer lui-même.
Et comme, d'ailleurs, ce ministre très bien intentionné a demandé au préalable mes ordres si je voulais lui suggérer les moyens propres et efficaces pour me secourir dans la crise présente, persuadé qu'il était que le Roi son maître et la nation britannique se montreraient dignes de ma confiance et de mon amitié, je viens lui dire que sa cour ne saurait ignorer les moyens les plus efficaces pour m'aider dans les circonstances présentes, que je lui avais proposés depuis longtemps, et dont le premier était l'envoi d'une escadre dans la Baltique,163-5 pour protéger là mes provinces contre les insultes des vaisseaux et galères russiennes et pour imposer du respect aux Russes et aux Suédois, pour ne pas oser mettre en œuvre leurs mauvais desseins. Et, en second lieu, de faire travailler auprès de la Porte Ottomane afin qu'elle fît au moins quelque déclaration énergique aux deux cours impériales par rapport à cette guerre.
J'ai bien voulu vous informer de tout ceci, afin qu'à l'arrivée du courrier du sieur Mitchell vous puissiez vous expliquer avec les ministres anglais à peu près dans le même sens, quoique je n'ose pas me flatter d'un effet réel et considérable, vu la malheureuse désunion des esprits en Angleterre et la nouvelle administration point fixée encore, au grand détriment et à la ruine totale de la cause commune.
Federic.
Nach dem Concept.
<164>162-5 Vergl. S. 143.
162-6 Vergl. S. 161.
163-1 Vergl. Nr. 9087.
163-2 Esterhazy, Posse, L'Hôpital, Prasse.
163-3 Williams, Osten, Swart.
163-4 Vergl. S. 149. 162.
163-5 Vergl. S. 162.