9147. AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A LEITMERITZ.
Précis
des arguments dont peut se servir un ministre autrichien à Londres, pour tirer des subsides de l'Angleterre, l'an 1763.
1° Il marquera en termes touchants les regrets de l'Impératrice-Reine d'avoir abandonné l'alliance de l'Angleterre, il en rejettera toute la faute sur le comte Kaunitz, dont le crédit et les insinuations avaient forcé la Reine à prendre ce parti.
2° Il insinuera adroitement que, malgré les engagements que la Reine avait eus avec la France, elle avait par penchant servi le roi d'Angleterre, en dissuadant à la cour de Versailles des projets qu'elle avait formés de placer le Prétendant sur le trône d'Angleterre, et inter-<200>posant ses bonnes offices pour ménager l'électorat d'Hanovre, qui, sans la cour de Vienne, aurait été saccagé et brûlé.
3° Que l'alliance avec la France n'avait été que momentanée, conclue dans un instant d'humeur et de dépit et soutenue par nécessité.
4° Que, pour rétablir l'équilibre de l'Europe, il fallait de nécessité en revenir à ses anciens engagements, que l'Angleterre y était plus intéressée que l'Impératrice-Reine, à cause que, pour former un contrepoids à la trop grande puissance de la France, il fallait un allié à l'Angleterre qui possédait de grandes provinces très peuplées, dont on pût tirer nombre de soldats pour les opposer à l'ennemi commun.
5° Que l'Angleterre avait fait l'expérience, pendant la dernière guerre, de son insuffisance de résister par mer à la France, que, pour son intérêt, les guerres de mer devaient être soutenues par de grandes diversions sur terre, qu'aucune autre puissance que la reine de Hongrie n'était capable de faire.
6° Ce ministre s'étendra beaucoup sur les écarts de l'esprit humain, et qu'il y a de certaines fautes que le bien commun demande qu'on se pardonne mutuellement; il ajoutera qu'il était heureux pour l'Angleterre que la maison d'Autriche ait pris des liaisons avec la France, parcequ'à présent on était convaincu, par l'expérience, de l'erreur et de la fausseté de ce système, et qu'étant devenu sage à ses dépens, on regardait comme un principe invariable de la politique autrichienne de ne se départir aucun temps de l'alliance de l'Angleterre et de soutenir les intérêts de cette puissance comme les siens propres; et qu'il pouvait assurer hardiment qu'aucun ministre autrichien n'oserait jamais parler sur un ton différent à la Reine, sans vouloir courir à sa perte certaine.
Après avoir travaillé longtemps à se rendre les esprits favorables par d'aussi beaux propos et s'être répandu en plaintes sur l'aveuglement passé de sa cour, il insinuera adroitement aux ministres que le plus grand reproche que l'on se faisait à Vienne, était d'avoir cédé Ostende aux Français,200-1 par le tort que ce port entre leurs mains faisait au commerce des Anglais; qu'il était connu à Londres que la cour de Vienne avait constamment regardé la Flandre et le Brabant comme des provinces qui lui étaient à charge, mais que le seul intérêt que l'on prenait au commerce de l'Angleterre, faisait désirer de retirer cette ville des mains des Français, que, par ce moyen, on pouvait réparer le tort que l'on avait fait dans un temps de vertige à ses anciens et bons alliés, et remettre les choses à peu près sur le pied où elles devraient être.
Le ministère britannique de l'année 1763, touché du repentir sincère de la reine de Hongrie et de l'intérêt qu'elle prend au commerce de la nation, lui accorde par an un million de livres sterling pour retirer Ostende, Nieuport, Furnes, Dixmude et Dunkerque des<201> mains des Français, il promet de regarder le passé comme non advenu, et convient que l'Angleterre ne peut trouver en Europe d'allié plus zélé, plus désintéressé, ni plus reconnaissant que la reine de Hongrie.
Dixit,201-1
tiré des prophéties de Nostradamus.
Eigenhändige Aufzeichnung, im Original an Mitchell übergeben.201-2 Im British Museum zu London. Add. MSS. Vol. 6845.
200-1 Vergl. Bd. XIV, 131. 132. 166.
201-1 Sic.
201-2 Mitchell schreibt in dorso der Denkschrift: „The King of Prussia, after the battle of Kolin, retired to Leitmeritz (vergl. S. 192), lodged in the Bishop's palace where I also was lodged. He was for some days low spirited and saw nobody, but as he recovered, he admitted me in the afternoon to pass some hours with him, and in consequence of some conversation we had had, he sent me this paper, inclosed in a cover, in the beginning of July 1757.“