9207. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.
Leitmeritz, 16 [juillet 1757].
Ma très chère Sœur. Je vous remercie de toute la tendresse et de toute l'amitié que vous me témoignez dans votre chère lettre. Comme j'ai beaucoup à faire, je me borne à répondre aux articles principaux que vous me mandez. 1° Les 5,000 florins seront envoyés incessamment.251-2 2° Je ne peux point donner d'instruction à quelqu'un qui va en France, sans paraître négocier, ce qui ne se peut. C'est donc pour faire parler les autres et voir ce qu'ils veulent, et à quelles conditions on pourrait s'accorder. Si cela se passe sous votre nom, personne n'y peut trouver à redire; si j'y prête le mien, on peut abuser de ces ouvertures et s'en servir, pour me brouiller avec ceux que je suis obligé de ménager à l'excès.251-3 Mon intention serait, lorsque l'on aurait tiré des Français le dernier mot, de communiquer le tout au roi d'Angleterre, pour voir s'il y a moyen de parvenir cet hiver à quelque accommodement.
Les Français ont passé le Wéser. On dit que le duc de Cumberland marche pour les combattre; autre crise violente, les Suédois font passer la mer à 17,000 hommes : voilà des embarras de tous les côtés. Enfin, cette année est la plus critique du siècle. Vos réflexions, ma chère sœur, quels pourront [être] les avantages des triumvirs, sont très justes, mais il semble que les yeux de l'Europe sont fascinés. Enfin, il faut se préparer et s'attendre à tout dans les circonstances présentes et ne point se décontenancer de tous les contre-temps qui peuvent arriver. Ce n'est pas que la situation soit agréable, mais je me souviens à cette occasion d'un mot d'un cacique du Mexique. La cruelle avarice des Espagnols fit brûler deux de ces malheureux caciques. Se trouvant tous les deux sur le gril, l'un se lamentait beaucoup et l'autre lui dit : « Finis tes plaintes; crois-tu que je suis sur un lit de roses? Marque plus de constance et rend grâce aux dieux de sortir d'une vie qui ne<252> peut plus que nous être odieuse, s'il fallait la passer dans l'esclavage de ces cruels tyrans. »252-1
Adieu, ma chère sœur, je vous supplie de me croire avec la plus tendre amitié, ma très chère sœur, votre fidèle frère et serviteur
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
251-2 Für den nach Paris zu sendenden Ritter von Mirabeau. Vergl. S. 218.
251-3 Die Engländer Vergl. S. 218. 229.
252-1 Voltaire, Essai sur les mœurs. Chap. 147.