9272. AU FELD-MARÉCHAL DE REITH.
[Weissenberg,] 11 [août 1757].
Quoique le convoi arrive un jour plus tard, mon cher Maréchal, j'avoue pourtant que je suis bien aise qu'il arrive en sûreté. C'est la base de toutes nos entreprises, et sur quoi je fonde la dernière espérance de l'État. Je me flatte que les premiers chariots arriveront aujourd'hui, et que les derniers viendront demain au matin.
<296>L'ennemi continue à replier tous ses postes avancés,296-1 il ne garde que celui de Gœrlitz. Il n'est pas difficile de faire ce court et simple raisonnement : le roi de Prusse a beaucoup d'ennemis; il rassemble toutes ses forces en Lusace, donc il veut encore essayer ses forces contre les nôtres, avant de se tourner contre ses autres ennemis. Leopold Daun, sans un grand effort et sans être un savant dialecticien, a fort bien pu combiner ce petit nombre d'idées dans sa lourde tête, et je crois qu'incessamment il se mettra à arranger son canon,296-2 que, j'espère, nous l'obligerons de déranger quelquefois encore. Je suis sûr qu'il choisit son projet de bataille, et qu'il a là-bas quelque Bonneville296-3 qui lui en fournit. Le prince Charles boit, mange, rit et ment; les fanfarons de là-bas se partagent nos dépouilles, et l'on n'est embarrassé à Vienne que de trouver une prison pour m'y mettre. O, qu'il sera doux de bien frotter cette engeance arrogante et superbe, ô que pour l'avantage de l'humanité ce sera un bonheur d'humilier ces tyrans barbares, ennemis de toute liberté, qui ne respectent la bonne foi qu'autant qu'ils y trouvent leur avantage! qui ne sont doux que par crainte et toujours cruels par inclination! qu'il sera glorieux pour nous de délivrer l'Allemagne par une seule victoire du joug que ses oppresseurs lui préparent, surtout si on peut lui rendre la vue, que ces mêmes oppresseurs lui ont fascinée par leurs artifices! Quel que soit le succès de nos entreprises, il est toujours beau d'oser tenter de sauver sa patrie; lorsqu'il n'y a plus personne qui se présente pour la défendre, ce sera par nous qu'elle subsistera encore, ou ce sera avec nous que périra sa liberté et son existence! Adieu, mon cher Maréchal, le temps approche où nous nous verrons, et je vous en dirai davantage.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
296-1 Vergl. Nr. 9271.
296-2 Vergl. S. 89.
296-3 Bonneville ein französischer Ingenieur und Militärschriftsteller. Er veröffentlichte 1756 „Reveries du maréchal de Saxe.“