9287. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.
Bernstadt, 24 [août 1757].
Ma très chère Sœur. J'ai reçu ici par un hasard les lettres que vous avez eu la bonté de m'écrire, dont je vous rends mille grâces, ce m'étant toujours une grande consolation de recevoir de vos nouvelles. L'expédition que je m'étais proposé de faire ici, n'a pas rempli mon attente. J'étais marché en intention de me battre, mais, malgré que j'ai mis en œuvre tout ce que la ruse a pu me fournir, il m'a été impossible d'attirer ces gens hors du poste inattaquable où ils se sont campés. Je suis à présent obligé de revirer et de me porter avec une<305> partie de l'armée du côté des nouveaux ennemis qui se présentent. Tout cela, ma chère sœur, fait une vie bien errante et hérissée d'embarras. Quelqu'un me disait ces jours passés : « Pourquoi ne faites-vous pas la paix? » — A cela je répondis, en lui racontant l'histoire d'une dame qui, se trouvant la première fois sur mer, voyant que l'air s'obscurcissait, et qu'on allait avoir une tempête, dit au pilote : « A l'auberge, pilote, à l'auberge! » « Quand l'orage sera passé, madame, nous entrerons dans le port. »
Je prends la liberté de vous envoyer une pièce de vers que je vous adresse.305-1 Le style d'élégie convient à ma fortune présente et aux calamités qui désolent la patrie. Vous me pardonnerez les incorrections dont elle est pleine, je n'ai qu'à peine eu le temps de la composer.
Je vous écrirai de Dresde une lettre plus détaillée,305-2 vous priant, ma chère sœur, de vous souvenir un peu de la philosophie et de penser que nous ne sommes pas faits pour être heureux, mais pour soutenir tout ce qui nous arrive, avec constance. Je suis avec les sentiments les plus tendres et les plus reconnaissants, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
305-1 « Epître à ma sœur de Baireuth. » Gedruckt: Œuvres Bd. XII, S. 36—42.
305-2 Vergl. Nr. 9300.