9779. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.
[Breslau,] 16 février [1758].
Ma très chère Sœur. J'ai reçu avec beaucoup de satisfaction votre lettre du 3. J'y vois du moins la continuation de votre santé. Enrôlez-vous, ma chère sœur, dans la secte de Zenon; voilà ce que firent la plupart des grands de Rome durant les triumvirats; voilà ce qu'auraient dû faire nos pères durant la guerre de 30 ans, et voilà ce qui nous reste dans des temps aussi fâcheux que ceux dont je viens de parler.
Le prince Ferdinand doit être en mouvement depuis hier,1 et s'il rend bien son thème, je ne doute pas qu'il ne rejette les Français au delà du Weser, ce qui sera toujours quelque chose. Quand même ce n'est pas tout, s'il y arrive des changements ou des révolutions dans le monde, elles ne peuvent que nous être favorables; ainsi il faut avoir patience et se préparer à voir d'un œil ferme l'une et l'autre fortune.
Je ne saurais vous marquer aucune nouvelle d'ici; je mène une vie si retirée que je n'apprends presque rien que par les tristes lettres des provinces, qui annoncent les ravages des barbares en Prusse et le brigandage des Français d'un autre [côté]; enfin, ma chère sœur, il faut prendre patience; nous sommes dans l'accès de fièvre, il faut attendre qu'il soit passé. Nous nous préparons bien de tous les côtés, pour agir avec la plus grande vigueur. Il est impossible de confier ce que je pense, au papier; ainsi, ma chère sœur, ne perdez pas l'espérance, et soyez persuadée de la tendresse infinie avec laquelle je suis, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur
Federic.
Daignerez-vous de faire passer cette lettre à Voltaire?2
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
9780. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.
Breslau, 16 février 1758.
Monsieur mon Cousin. La lettre que Votre Altesse m'a faite du 8 de ce mois, m'est heureusement parvenue. J'ai été très sensible de voir avec quelle justesse vous entrez dans mes besoins, dans les circonstances où je me trouve. Il est vrai qu'elles sont un peu embarrassantes pour moi, vu qu'on me mande toujours que les Russes rentrés en Prusse pourraient bien y laisser seulement quelques milliers de troupes et marcher avec tout le reste en deux corps, l'un vers la Poméranie et l'autre vers la Silésie. Quoique j'ai de la peine à ajouter
1 Vergl. S. 205. 225. 235.
2 Liegt nicht vor.