9622. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE A LEIPZIG.
Breslau, 22 [décembre 1757].
Mon cher Frère. Comme je crois devoir satisfaire votre curiosité et le tendre intérêt que vous prenez à l'État et à la gloire de l'armée, je puis, à présent que je suis positivement instruit de tout, vous accuser au juste le détail de nos avantages. La perte de l'ennemi à la bataille consiste en 6000 et quelques cents morts, enterrés par les paysans de Leuthen, de Lissa et de Gohlau, 18,350 prisonniers, dont 1200 sont morts, depuis, de leurs blessures; 5450 de coupés qui ont jeté leurs armes et se sont sauvés en Pologne; 123 canons, 327 officiers et à peu près 1600 hommes qui leur sont désertés sur la route de Trautenau. Total de leur perte: 31,400. Nous avons pris dans la ville, selon le billet ci-joint,116-4 715 officiers, 11,000 hommes portant les armes, consi<117>starrt en 420 cuirassiers et dragons, 300 hussards, 4300 Croates, Ogulins de la Save et Licaniens, et 12 bataillons, 5000 hommes, 5000 blessés et malades : ce qui fait monter le total de leur perte à 47,707 hommes. Nous avons pris ici 12 drapeaux qui font, avec ceux de la bataille, 63; 170 artilleurs et 17 pièces de 24, 10 obusiers, 6 mortiers et 8 pièces de 3 livres qu'ils ont menés ici, leur caisse de guerre, consistant en 63,000 florins, et 22 de nos canons qu'ils avaient pris sur le prince de Bevern. Fouqué, qui nettoie les montagnes, leur a fait, à ce qu'il m'écrit, un grand nombre de prisonniers, entre autres, le général Schreger des hussards.
Demain, nous marchons sur Liegnitz qu'ils ont accommodé, et qu'ils évacueront, ou que nous prendrons encore. Je les tiens bloqués par ma cavalerie. Il me sera impossible de prendre Schweidnitz, vu la rigueur de la saison; nous avons déjà tenté l'impossible pour réussir ici, ayant poussé nos sapes à 100 pas du fossé, en travaillant dans la terre gelée d'un pied et couverte de quatre pouces de neige.
Werner a chassé Simbschen de Neustadt117-1 et leur a enlevé un petit magasin. En un mot, la fortune m'est revenue; mais envoyez-moi les meilleurs ciseaux que vous pourrez trouver, pour que je lui coupe les ailes.
Ayez la bonté de communiquer toutes ces nouvelles au cher Seydlitz,117-2 qui, j'en suis sûr, y prend une part sincère. Ajoutez de ma part que je lui défends de sortir, avant que ses plaies soient guéries, et qu'il ne doit point monter à cheval, sans en avoir la permission de la faculté.
Je suis malade de la colique depuis huit jours, je n'ai ni sommeil ni appétit; mais je supporte et maladies et fatigues gaîment, puisque, grâces au Ciel, les affaires vont bien.
J'ajoute à ma longue lettre des extraits de lettres d'officiers interceptées,117-3 par lesquelles vous jugerez que je ne fais point le fanfaron, et que tout ce que je vous écris, est simple et conforme à la plus exacte vérité.
J'ai oublié de vous parler de nos pertes; nous avons eu positivement 930 morts et 3900 blessés à la bataille; le siège nous coûte le capitaine Schweinichen et Weyher de Charles et 30 hommes, les compagnies franches y comprises. Adieu, mon cher frère; j'espère que vous serez content de moi, et que je vous enrôlerai dans la bande des généraux audacieux et entreprenants, ce que je souhaite de tout mon cœur pour le bien de l'État, étant avec une parfaite tendresse et estime, mon cher frère, votre très fidèle frère et serviteur
Federic.
Vous pouvez communiquer ces particularités au maréchal Keith, à ma sœur de Baireuth et à qui vous le jugerez à propos. Il ne sera pas mauvais de les faire parvenir à vos officiers français, pour que cela passe en France par leur canal, et qu'on y apprenne la vérité.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
<118>116-4 Liegt nicht bei.
117-1 Neustadt in Oberschlesien.
117-2 Vergl. S. 68.
117-3 Liegen nicht vor.