9925. AU GÉNÉRAL DE L'INFANTERIE PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Grüssau, 12 avril 1758.

Je suis charmé, mon cher Ferdinand, de toute votre expédition. Avant que Bülow fût arrivé ici, il était déjà transpiré une partie des embarras que vous aviez eus.375-1 Pourvu qu'on fasse avancer un troupeau d'ânes et de bœufs, on en a toujours le mérite, et qu'importe que mes hussards ou les hanovriens aient chassé les Français? suffit qu'ils aient repassé le Rhin.

Vous me demandez mes idées sur ce que je crois de votre situation et de ce qu'il y aura à faire pour vous jusqu'à l'avenir. A cela je vous réponds, mon cher, que, selon que vous êtes informé des choses, je trouve tant375-2 pour votre position et les mesures que vous avez prises, très sages et les seules qui vous convinssent. Je dois y ajouter que, si vous pouviez encore donner le change aux Français, pour leur faire quitter Wésel, que ce serait un coup très avantageux. A présent, puisqu'il faut arranger l'avenir, je serai obligé de vous rendre compte 1° de ce qui s'est fait entre moi et l'Angleterre, 2° de mon projet de campagne; après quoi nous entrerons en discussion pour ce qui vous regarde.

Nous avons un nouveau traité avec le roi d'Angleterre,375-3 qui lie simplement les parties à ne point faire de paix séparée. J'ai voulu y ajouter l'envoi de troupes anglaises en Allemagne; mais c'est une corde à laquelle il ne faut pas toucher du tout, à cause d'un vertigo que Pitt s'est mis dans la tête.375-4 Ainsi je vous conseille de n'en pas parler. Je me suis donc rabattu à faire augmenter l'armée alliée375-5 et de la porter à 55,000 hommes. Voilà j'espère à quoi l'on pourra réussir, et alors vous pourriez avoir encore un bon régiment de dragons hessois et les dragons de votre frère, et augmenter ce qui est hanovrien. D'ailleurs, on travaille avec espérance de succès à faire déclarer la Hollande;375-6 si cela réussit, voilà une nouvelle scène qui s'ouvre, et qui changera tout. C'est pourquoi, s'il était possible, il faut tâcher de faire décrépir375-7 les Français de Wésel, soit par le bruit d'un siège à faire, de les couper etc.

Quant à mes opérations de campagne, voici mon projet. Dès que Schweidnitz sera pris, je marche sur Olmütz. Si je suis assez heureux<376> d'y prévenir les Autrichiens, ou ils seront obligés de me livrer bataille ou de voir prendre Olmtitz à leur barbe. Si nous prenons Olmtitz sans bataille, je crois qu'ils se camperont à Brünn, et pour les tirer de là, je ferai de forts détachements, par Hradisch, en Hongrie; cela les obligera de retirer à eux tout ce qu'il y a en Bohême, alors mon frère Henri cassera les cerceaux des Cercles376-1 et prendra Prague.376-2 Ma grande armée est actuellement ici de 98,000 combattants, sans les garnisons, de sorte que je garde encore des troupes pour détacher contre les Russes, qui font mine de vouloir marcher de Thorn sur Glogau. Dohna est occupé contre les Suédois. Voilà donc mon projet de campagne, auquel je ne saurais rien changer.

Pour donc en revenir à vous, mon cher, je crois que, si vous pouvez approcher du Rhin par le moyen de Wésel, que cela accélérera les bonnes résolutions des Hollandais, et j'ai conseillé qu'il ne faut point absolument vous faire passer le Rhin, avant que les Hollandais [ne] se déclarent. Alors on demandera aux Français et à la reine de Hongrie des explications catégoriques sur ce qu'ils ont fait entre eux touchant la Flandre,376-3 et l'on compte par là engager les Hollandais dans cette expédition. Si tout ceci ne peut avoir lieu, et que cependant vous pouvez occuper Wésel, je crois qu'il vous conviendra de vous approcher le plus près de Düsseldorf que possible, et je parierai bien que les Français y penseront plus d'une fois, avant de repasser le Rhin, et surtout que, s'ils veulent faire quelques détachements, ils les feront passer par Strasbourg en longeant le Danube, ce que vous ne sauriez empêcher, et ce qui ne me causera aucun embarras. Réfléchissez bien, mon cher, sur tout ce que je viens de vous écrire, et je crois que vous verrez que c'est ce qu'il y a le mieux à faire. Après cela, je ne vous conseillerais pas de faire camper les troupes avant la fin de mai, pour qu'ils376-4 se refassent davantage, et qu'ils endurent mieux la campagne prochaine qui pourrait durer plus longtemps que l'on ne pense.

Je n'ai pas besoin de vous recommander le secret pour mon projet de campagne. Schweidnitz pris, ce qui sera l'affaire de quelques jours, il faudra nous écrire en chiffres, et la correspondance sera un peu interrompue; ni plus ni moins vous serez, mon cher, informé de tout ce qui se passe.

Les Anglais sont rétifs comme le diable, mais je me flatte qu'en les retournant de toutes les façons, que nous en tirerons pied ou aile, surtout pour les ostentations; et voilà d'abord ce que vous pourrez écrire en Angleterre : c'est qu'ils fassent des démonstrations, comme<377> s'ils voulaient faire une descente vers Dunkerque. Cela obligera Clermont d'y détacher, contribuera peut-être à377-1 faire évacuer Wésel et vous débarrassera toujours d'un vingt-millier d'hommes, ce qui vous mettra à votre aise.

Enfin, mon cher, ma lettre devient un traité militaire, il est temps que je la finisse. Embrassez, je vous prie, de ma part ce neveu qui nous fait tant d'honneur,377-2 et soyez persuadé de l'estime et de l'amitié avec laquelle je suis, mon cher Ferdinand, votre fidèle ami et cousin

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Eigenhändig.



375-1 Prinz Ferdinand hatte am 3. April seinen Adjutanten Lieutenant von Bülow an den König gesandt, um über die Expedition Bericht zu erstatten. In dem Begleitschreiben, Münster 3. April, meldete der Prinz, dass der Feind die Festung Wesel behaupte und Meister des Rheinstromes bleibe; die verbündeten Truppen hätten zur Erholung Quartiere zwischen Münster und Coesfeld bezogen; das obere Wesergebiet bleibe allerdings den Franzosen dadurch ausgesetzt; um wenigstens einige Abhülfe zu schaffen, werde er die Städte Lippstadt, Hameln und Cassel in Vertheidigungszustand setzen lassen.

375-2 So! vielleicht verschrieben für „tout“ .

375-3 Vergl. S. 379. Anm. 2.

375-4 Vergl. S. 364. 365.

375-5 Vergl. S. 288. 292. 349. 372.

375-6 Vergl. S. 377.

375-7 So! Es ist wohl gemeint: déguerpir = sich aus dem Staube machen, faire déguerpir quelqu'un = Jemand fortjagen.

376-1 Le cerceau = der Fassreif; das Wort „cercles“ gebraucht der König häufig spottend im Sinne von „Fässer“ . Vergl. nach der Schlacht bei Rossbach: „les tonneliers (die Franzosen) avec leurs cercles voulaient prendre Leipzig“ , oben S. 7—8; und Œuvres XII, 70—73: „Conge de l'armée des cercles et des tonneliers.“

376-2 Vergl. S. 381 mit Anm. 2.

376-3 Vergl. S. 145. 377.

376-4 So!

377-1 Vorlage „de“ .

377-2 Vergl. S. 289.