10658. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.
Breslau, 14 janvier 1759.
Mon cher Ferdinand. Bülow1 m'a rendu votre lettre et m'a assuré de votre bonne santé, ce qui est peut-être dans six mois le seul moment qui m'a fait plaisir. J'ai lu et relu votre lettre avec toute l'attention nécessaire. Je trouve le fond de votre projet excellent,2 mais je me vois hors d'état d'y coopérer, et pour vous mettre bien au fait de ma situation, je dois commencer par vous exposer le tableau présent de l'Europe et la situation où se trouve mon armée vis-à-vis de mes ennemis, autant que ce qui regarde sa valeur intrinsèque.
Les Autrichiens, qui sont les plus redoutables de mes ennemis,3 entretiennent sûrement 120000 hommes en campagne; ils ont un corps de 20000 hommes dans la principauté de Teschen et dans la Moravie, 10000 vers Braunau, 10000 vers la Lusace et 6000 vers Chemnitz et Kommotau, le reste est en quartiers d'hiver en Bohême sur les deux rives de l'Elbe. Les démonstrations des Turcs, qui commencent à leur donner quelque jalousie, leur [ont] fait détacher 12000 hommes en Hongrie,4 mais le nombre immense de recrues qu'ils retirent de leurs provinces, remplacera dans peu ce nombre. Les Russes sont sur la Vistule, environ 25000 hommes troupes réglées; il y a 24000 en chemin pour les joindre, et on compte leurs irrégulières à 20000 hommes. Dohna est actuellement occupé à rechasser tout-à-fait les Suédois; il n'a point encore des quartiers d'hiver, et il fera, selon les apparences, tout l'hiver la petite guerre contre ces gens-là.
Concernant l'état où se trouve mon armée, je crois que vous comprenez sans peine qu'elle doit avoir extrêmement souffert des fatigues et des grands nombres de combats qui se sont donnés. Il manque au corps que j'ai en Silésie, 22000 hommes que je rassemble, et que je viendrai à bout de donner aux régiments, mais qu'il faut discipliner en hâte pendant cet hiver. Nous manquons d'habits; les invasions des ennemis nous ont dérangé toute l'économie intérieure du pays, et ce n'est qu'avec une industrie et une peine infinie que je parviendrai à remettre tout en état à la fin de mars. L'armée de mon frère Henri a de même grand besoin d'être recrutée, et il faudra au moins la fin de mars pour que les choses soient tellement quellement mises en ordre.
1 Der Adjutant des Prinzen. Vergl. Bd. XVI, 375. 391. 416.
2 Prinz Ferdinand hatte in dem Schreiben, Münster 31. December, den Vorschlag gemacht, er wolle Soubise in Hessen und bei Frankfurt angreifen, der König möge zur Unterstützung ein Truppencorps gegen den oberen Main vorgehen lassen. So werde zugleich die Reichsarmee verjagt und Soubise über den Rhein getrieben werden können.
3 Vetgl. Bd. XVI, 219. 346; XVII, 203.
4 Vergl. S. 1. 18.