11346. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
[Lebus, 16 août 1759.]1
Nous sommes venus camper à Lebus. L'ennemi a fait des pertes considérables. La bataille aurait été gagnée, si l'infanterie n'avait pas plié tout d'un coup. Le prince de Württemberg et Seydlitz blessés, la cavalerie a disparu du champ de bataille. Nos chevaux de canon ont été tués, ce qui fait que nous en avons beaucoup perdu. Je fais revenir de l'artillerie de Berlin; enfin je fais l'impossible pour soutenir l'État chancelant. Nous n'avons pas au delà de 2500 morts, mais au delà de 10000 blessés, dont sûrement 6000 reviendront en peu de temps.
Vous ne pouvez rien faire dans tout ceci. J'espère que le prince Ferdinand me délivrera de l'armée de l'Empire.2
Le moment que je vous annonçais notre malheur,3 tout paraissait désespéré; ce n'est pas que le danger ne soit encore très grand, mais comptez que tant que j'aurai les yeux ouverts, je soutiendrai l'État comme c'est mon devoir. Un étui que j'ai eu dans la poche, m'a garanti la jambe d'un coup de cartouche qui a écrasé l'étui. Nous sommes tous déchirés; presque personne qui n'ait deux ou trois coups de feu dans les habits ou dans le chapeau. Nous sacrifierions volontiers notre garde-robe, si ce n'était que cela.
L'ennemi s'est un peu éloigné de Francfort et campe dans les bois, entre l'Oder et le chemin de Reppen.
Représentez-vous, dans cette cruelle crise, tout ce que souffre mon esprit, et vous jugerez facilement que le tourment des damnés n'en approche pas. Heureux les morts! Ils sont à l'abri des chagrins et de toutes les inquiétudes.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
11347. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A MAGDEBURG.
Lebus, 16 [août 1759].
Quoique je vous aie déjà écrit aujourd'hui, j'ajoute à cette lettre la réponse à la vôtre. Nos affaires sont affreuses, mais l'ennemi me laisse du temps. Peut-être pourrai-je par ses fautes me sauver. Mais je crains bien que ce ne soit qu'un répit. Il faut que Rochow reste à Berlin et Massow à Spandau. Je fais les derniers efforts pour rassembler ce que je peux. Compter sur mes exploits, c'est s'appuyer sur un roseau. Si même on veut négocier la paix, je crains que ce ne soit trop tard. Le hasard, comme toujours, va décider de notre fortune.
1 Das Datum von Cöper zugesetzt. Ein Schreiben aus Madlitz vom 16. August an den Marquis d'Argens vergl. in den Œuvres Bd. 19, S. 78.
2 Vergl. S. 484.
3 Das Schreiben liegt nicht mehr vor. Vergl. S. 483. Anm. 1.