10669. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Breslau, 19 janvier 1759.

J'ai reçu avec d'autant plus de plaisir la lettre de Votre Majesté qui est une preuve de Son entière reconvalescence, dont je La félicite de tout mon cœur, personne n'y prenant plus de part, ni ne s'intéressant plus que je le fais, à Sa conservation.

Les affaires n'ont point changé depuis mes dernières lettres. Les Suédois sont recognés près de Stralsund. Les Autrichiens ne remuent guère dans leurs quartiers. Les Russes reçoivent des secours, ils sont sur la Vistule, d'où ils menacent d'une invasion nouvelle trois de mes<34> provinces. Tout le monde se prépare pour la campagne prochaine, et il est sûr qu'il n'est ni séant, ni même de la dignité de l'Angleterre, ni de la Prusse d'aller mendier chez ses ennemis, dans des circonstances pareilles, la paix dont ces mêmes ennemis voudraient dicter les lois; mais il y aurait pourtant moyen d'affaiblir ces ennemis arrogants en tâchant de les désunir. Voilà les moyens que je crois qu'ils pourraient y concourir: à savoir si par quelques émissaires secrets on augmentait les troubles en Suède. Toutes les provinces sont pleines de mécontents. Il n'y aurait qu'à attiser ce feu. L'on parviendrait par là à culbuter le parti français et à se défaire d'un ennemi qui, quoique faible de lui-même, ne laisse pas que d'être dangereux qu'il agit de concert avec tant d'autres puissances. Je crois encore qu'il serait possible à Pétersbourg de profiter des moments de mécontentements et de disputes qui naissent entre les alliés touchant des discussions d'intérêts, pour du moins ralentir l'ardeur de leurs opérations, ou peut-être même pour les séparer tout-à-fait de l'alliance, si le moment favorable s'en présente. Je crois encore qu'il serait très utile de faire bien concevoir aux Hollandais que l'alliance de la France avec la maison d'Autriche n'est fondée que sur des cessions promises en Flandre,34-1 et que c'est en sacrifiant la Barrière que ces deux puissances sont devenues amies. Enfin, voilà la Bavière34-2 et le Württemberg indisposés contre la France. Ce sera peut-être le moment de les mettre hors du jeu; quand même ils ne donneraient pas leurs troupes à l'Angleterre, ce serait toujours 16 000 hommes de moins contre nous.

Voilà mes idées. Je comprends très bien que toutes les tentatives ne réussiront pas, mais en essayant on parviendra toujours à quelque chose. Je soumets ces idées à la haute prudence de Votre Majesté, en L'assurant etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.34-3



34-1 Vergl. Nr. 10667.

34-2 Vergl. Nr. 10652.

34-3 Die nicht mehr vorliegende Ausfertigung war jedenfalls eigenhändig.