11676. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.
Freiberg, 15 décembre 1759.
Je viens de recevoir avec toute la satisfaction possible la lettre de Votre Altesse du 9 de ce mois. Dans ces moments critiques où mes affaires se trouvent ici, vous jugerez vous-même de toute l'étendue de l'obligation que je vous ai de tous les soins que vous prenez pour m'y soulager et secourir. Je vous en rends mille grâces, et vous me ferez la justice d'être assuré de la reconnaissance que je vous en conserverai à jamais.
<698>Ce qui m'embarrasse à l'heure qu'il est, ce sont les neiges profondes qui sont tombées ici depuis deux jours, et qui sont bien au delà d'une aune sur terre, de sorte que je ne saurais rien entreprendre efficacement, avant que ces neiges ne commencent à fondre dans les montagnes où je me trouve actuellement. Il n'y a presque pas moyen de passer d'un lieu à un autre. Votre Altesse me connaît trop pour ne pas être persuadée que je n'exagère point les choses; car mes patrouilles de hussards ont bien de la peine à passer, à cause des neiges, les contrées un peu montueuses. Voilà la raison, mon cher Prince, pourquoi j'aurais mieux aimé que le corps que vous m'envoyez, ne s'approchât pas tant de Gera ni ne passât pas par Zwickau, où les montagnes couvertes de neige leur rendront les chemins difficiles à passer, au lieu que, si ce corps se tourne plutôt vers Altenburg, il passera des contrées moins rudes et montueuses et des chemins plus praticables, marchant plus dans la plaine; tout cependant dépend de vos ordres et de la route que vous trouverez bon de prescrire à ce corps, que je voudrais fatiguer le moins que possible.
Je dois, au reste, informer Votre Altesse de ce que je pourrai faire, quand votre corps détaché se sera approché de moi; il n'y aura que de deux choses l'une : ou de le faire avancer jusqu'au Passberg ou Kommotau, où je le ferai devancer par un corps de mes troupes légères qui poussera698-1 jusqu'à Saatz, pour y ruiner le magasin considérable d'où Daun tire la plus grande partie de sa subsistance, et de replier alors sur votre corps: ou que je tâche de déloger le général Sincere de Dippoldiswalde, afin de resserrer par là Daun, en sorte qu'il se voie obligé de repasser en Bohême. Dans l'un ou l'autre cas, les neiges me mettront des obstacles, en sorte qu'il faudra attendre leur fonte par un temps plus doux que le présent. Je me flatte de pouvoir bientôt vous donner de bonnes nouvelles de ma part.
Federic.
Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.
698-1 Nach dem Concept; Ausfertigung: fixera.