11551. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Sophienthal, 27 octobre 1759.

J'ai reçu votre lettre du 23 de ce mois. Les Russes sont partis tout-à-fait. Les régiments destinés pour la Saxe606-1 passent l'Oder aujourd'hui; en dix jours ils peuvent être du côté de Torgau ou de Belgern ou de Dresde. Je commence à croire qu'il vaut mieux que je les envoie du côté de Torgau en droiture, quitte à leur faire prendre une autre route, s'ils peuvent vous être utiles ailleurs; mais dès que les troupes de l'Empire entendront qu'ils approchent, comptez qu'elles ne montreront pas le nez.

Si Daun se trouvait encore dans cette position et que les nôtres passent l'Elbe du côté de Belgern, je ne sais pas s'ils ne mettraient Daun dans un grand embarras, parcequ'ils le couperaient de tous ses transports de Dresde et qu'il serait obligé de détacher d'abord de ce côté-là : dont vous pourriez profiter. Si Daun passe du côté d'Eilenburg, comme s'il voulait aller à Leipzig, vous auriez beau jeu, y ayant là des plaines, comme vous les sauriez désirer. Ce n'est point le moment alors d'agir avec des détachements, il faut y aller avec toute la masse.

Je donnerai à Hülsen le chiffre de Finck, que vous ferez demander à ce dernier ou bien à Wunsch qui l'a aussi reçu, et je vous marquerai son itinéraire, pour que vous puissiez lui écrire à chaque jour de marche, si vous le trouvez à propos. Hülsen, avec les hussards, a au delà de 30 escadrons, 18 bataillons et 30 grosses pièces d'artillerie, et comme il me paraît que les pontons pourraient être utiles en tout ceci,606-2 j'envoie 43 avec lui.

J'ai la tête si confuse de la fièvre que, quelque envie que j'aie d'entrer dans les discussions de tout ce que dessus, ma faiblesse m'en empêche. Je ferai ébruiter que je viendrai avec ce corps, ou encore que je le suivrai avec un autre, pour voir, tout malade que je suis, si<607> je pourrai encore faire de diversion. Voilà tout à quoi vous devez vous attendre de moi.

Au reste, la grande affaire est de rechasser ces gens de la Saxe et de leur reprendre Dresde. Je ne puis pas entrer dans toutes les discussions des raisons pourquoi cela serait très important; mais j'ai des Taisons les plus fortes pour insister là-dessus.

Vous avez très bien fait d'avoir fait arrêter le capitaine de Collas607-1 et de l'avoir fait conduire à Torgau.

Ma maladie c'est la goutte aux deux pieds, au genouil et à la main gauche. Voici huit jours que j'ai presque toujours la fièvre. Selon le cours de la maladie, je dois m'attendre à en avoir encore six accès, et l'affaiblissement et l'épuisement dans lequel je suis, ne me permettront pas de pouvoir partir d'ici avant quinze jours.

Ma tête est si faible que je ne suis pas en état de vous rien écrire; pour peu que je me sente de force et que je puisse penser, je le ferai.

Federic.

Nach dem Concept. Der Zusatz eigenhändig auf der im übrigen fast ganz chiffrirten Ausfertigung.



606-1 Unter Befehl des Generallieutenants von Hülsen. Vergl. Nr. 11552.

606-2 Vergl. S. 589. 599.

607-1 Ein Hauptmann vom Hoffmann'schen Regimente, der bei Dresden sich schlecht gehalten hatte.