<102>posant même qu'il soit heureux? Comment pourra-t-il se soutenir, les Français en face et les forces autrichiennes à dos, dans le pays de Hanovre? Vous voyez par là que nos intérêts sont inséparables, qu'il ne peut arriver de malheur à l'un qui ne retombe sur l'autre, et qu'ainsi, pour éviter les catastrophes que je prévois, le plus sûr est de négocier la paix. J'espère de me soutenir tant bien que mal jusqu'au mois de juillet; mais alors, quand les Russes se mettront en mouvement avec de si grandes forces, ou il faudra combattre ou se résoudre de perdre Colberg; et si nous perdons encore une bataille, que deviendrons-nous?
Songez qu'avec 96000 hommes je serai obligé cette année de faire face à 230000 hommes, y compris les Cercles et les Suédois. J'ai fait, sur mon Dieu, l'impossible pour me soutenir jusqu'ici, mais les ressorts de la machine sont trop usés et le découragement plus considérable que vous ne vous le figurez. Je veux bien croire que mes infortunes diminuent mes partisans, c'est cependant lorsque l'on est malheureux que l'on a le plus besoin d'amis. Mais suis-je la cause des revers qui me sont arrivés? N'ai-je pas tenté l'impossible pour les réparer? Voilà à quoi l'on ne pense pas : les malheureux ont toujours tort, et le sentiment de la compassion est si faible chez la plupart des hommes que c'est plutôt une grimace de bienséance qu'une affection de l'âme. Enfin vous voyez ici comme je pense et ce qui se passe dans mon cœur; je vous envoie une esquisse du projet de campagne de nos ennemis,2 dans lequel même je ne fais pas mention des Suédois, parcequ'ils sont absorbés et, pour ainsi dire, anéantis par de plus grands objets. Ne montrez pas toute cette dépêche; qu'elle serve pour votre direction, et pas pour autre chose. Si je reçois quelque lettre de Voltaire, je vous en enverrai la copie in extenso.
Je n'ai écrit, ni fait écrire au maréchal de Belle-Isle,1 il n'y a pas le mot de vrai, et il ne s'est rien passé que ce que je vous ai communiqué.
P. S.
Quant au secours que, selon les bonnes intentions des ministres, ils me font espérer de l'armée alliée sous les ordres du prince Ferdinand de Brunswick, le cas l'exigeant, et quand les circonstances le sauront promettre,3 vous remercierez très poliment de ma part ces ministres de cette attention pour le bien de la cause commune; je me concerterai en conséquence avec ce Prince et n'en abuserai jamais, à qui il faudrait cependant une espèce de notification de la part des ministres, pour
1 Knyphausen und Michell hatten, London 1. Februar berichtet, „qu'on soupçonne Votre Majesté d'avoir fait quelques démarches en France pour l'avancement de l'ouvrage de la pacification qu'Elle aurait cachées à cette cour-ci; qu'on prétend entre autres qu'Elle aurait écrit pour, cet effet une lettre au maréchal de Belle-Isle; mais bien loin qu'on prenne ici le moindre ombrage de cet incident, l'on désire plutôt qu'il soit fondé“ . Vergl. auch Nr. 11794.
2 Die „Reflexions“ . Vergl. Nr. 11828.
3 So, für permettre.