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11862. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Freiberg, 25 février 1760.

Contre toute mon attente, il viennent d'arriver ici des lettres de mon émissaire à Constantinople du 24 décembre dernier,1 en conséquence desquelles la Porte Ottomane, apparemment par des motifs d'ombrage du trop grand ascendant que les deux cours impériales pourraient prendre et pour commencer à reconnaître ses véritables intérêts, témoigne plus d'envie que jamais de prendre des liaisons défensives avec moi, de sorte que mondit émissaire n'attend que mes derniers ordres.

Dans la situation où je [me] trouve actuellement, je crois n'entrevoir que deux moyens pour sortir de l'embarras extrême qui me presse, et qui ne me laisse entrevoir jusqu'à présent que de suites funestes: l'un, une paix bien prompte entre la France et entre l'Angleterre et ses alliés d'Allemagne, et le second, une assistance assez suffisante, afin que je sois à même de contre-balancer, par tous les efforts que je ferai, les forces trop supérieures de mes ennemis ici qui m'environnent presque de tous côtés.

Quant au premier point, je commence à me douter de la sincérité des intentions de la France et qu'elle ne veuille nous duper, quelque nécessité pressante qu'elle saurait avoir, ce qui se développera apparemment bientôt par la démarche que de l'agrément de l'Angleterre je fais, et dont je vous [ai] amplement instruit par ma dernière dépêche.2 Mais, autant que je crois pénétrer,3 si la France a eu au commencement un vrai désir de faire sa paix et de tirer son épingle du jeu, la cour de Vienne a su trouver moyens par ses brigues de faire changer ces dispositions pacifiques de la France ou d'éloigner au moins les effets.

Pour ce qui regarde le point de l'assistance, vous savez toutes les raisons pourquoi je ne saurais pas m'en flatter, à moins de quelque événement extraordinaire et inespéré, dont un des plus considérables serait si la Porte parviendrait à une rupture avec l'une ou l'autre des deux cours impériales, pour me décharger au moins d'une partie du fardeau qui m'accable seul.

Je sais que je ne dois point compter d'avance sur un gouvernement aussi inconstant et variable que celui de la Porte; c'est pourquoi je continuerai à faire tous mes efforts pour me mettre en état de m'opposer au mieux possible à mes ennemis. Mais les ministres anglais, et surtout le digne M. Pitt, me sauraient en savoir mauvais gré; et pourront-ils désapprouver, quand j'ai fait cette tentative encore pour me procurer de l'assistance et pour contribuer par là au soutien de la cause commune, quand j'ai instruit mon susdit émissaire, dans l'état d'incertitude



1 Vergl. Nr. 11 859.

2 Nr. 11 840.

3 In der Vorlage: „penetrer que“ .