12032. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.
Freiberg, 22 avril 1760.
J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite du 11 de ce mois. Au sujet de laquelle je vous dirai qu'après avoir bien réfléchi sur tout ce que vous me mandez au sujet de l'entretien que le sieur Pitt a eu avec vous,1 je suis parfaitement d'accord avec tout ce que [ce] digne ministre vous a dit de la juste méfiance qu'il avait conçue sur les artifices et les équivoques de la France, compassés à m'induire à donner mon consentement à une négociation séparée, indépendante de la guerre d'Allemagne, comme vous savez que je l'avais soupçonné, et que j'applaudis extrêmement à ce que ce ministre vous a fait observer pour éviter le dangereux écueil que la France pensait de nous présenter: qu'on ne commence pas, préalablement et avant toute chose, que par se mettre d'accord avec la France sur ce qui regarde mes sûretés.
Je suis si charmé et autant édifié de cette droiture de M. Pitt que vous lui ferez un compliment des plus onctueux et des plus polis de ma part que vous saurez imaginer sur cet article, en lui témoignant ma reconnaissance infinie de la marque de son attachement pour moi; qu'il n'aurait pu. m'en donner une plus essentielle que celle à ce sujet; que je ne saurais aussi que me flatter qu'il persisterait dans ces sentiments et qu'il s'emploierait au mieux pour faire adopter le Conseil la même idée: car il est tout-à-fait clair et constaté que, si l'Angleterre convient des préliminaires avec la France sur ses propres querelles, sans avoir préalablement réglé mes sûretés et celles des autres alliés de l'Angleterre, les Français nous duperont sûrement, et les suites que M. Pitt a prévues si prudemment, en arriveront sans manquer, de sorte que mes affaires prendraient un très mauvais train.
Il faut d'autant moins douter de l'artifice de la France pour séparer l'Angleterre d'avec moi, qu'elle l'a fait paraître assez clairement dans ce dicté au général Yorke par le comte d'Affry, que celui-ci a fait en dernier lieu à l'autre, et que je vous communique in extenso avec tout ce que le sieur de Hellen m'a mandé à ce sujet,2 par la copie ci-jointe, quoique je ne doute pas que vous n'en soyez déjà informé, au moins en gros, et qui démontre fort clairement que M. Pitt a bien pénétré d'avance les ruses de la France pour nous désunir, ainsi qu'il est hors de doute que, pour parvenir à faire des préliminaires avec la France, il faut que, selon le sentiment de ce ministre, l'on n'écoute en Angleterre aucune proposition de paix de la part de la France auparavant que le susdit article ne soit convenu et fixé, et qu'il en formât la base.
Quant aux instructions précises que M. Pitt a désiré que vous me
1 Vergl. den Bericht der preussischen Gesandten bei Schäfer a. a. O. Bd. II. Th. 1, S. 579—581.
2 In seinem Berichte, d. d. Haag 15. April.