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De ces petites choses Votre Altesse saura juger combien ma situation est plus mauvaise que peut-être vous ne vous l'êtes représentée. Je me vois forcé d'engager quelque affaire décisive à tout prix, pour arriver assez à temps dans la Silésie, où Laudon est entré avec une armée que vous pouvez sûrement croire forte de 50000 hommes, et où il menace de mettre le siège devant Neisse et, en après, devant Breslau ou Brieg ou peut-être Schweidnitz, tandis que mon frère est obligé de marcher contre l'armée russienne qui veut agir en deux corps, l'un pour attaquer Glogau, l'autre pour faire le siège de Colberg.

Voilà en peu ma situation présente, et vous pouvez croire que souvent je ne sais où donner de la tête. Il me manque partout assez de troupes pour m'opposer suffisamment partout aux forces des ennemis, partout en forces considérablement supérieures et qui, d'ailleurs, commencent cette année-ci leurs efforts contre moi en même temps. Dans quinze jours d'ici vous aurez plus de nouvelles de ma destinée.

Je ne saurais finir ma lettre, sans vous remercier d'avoir eu l'attention de tenir jusqu'à présent l'armée des Cercles en échec pour n'oser remuer du pays de Bamberg, sans quoi ma situation aurait été tout-àfait accablante.

Friderich.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.


12150. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Au camp de Meissen, 9 juin 1760.]1

Mes nouvelles disent toutes que le gros corps des Russes doit marcher sur Glogau et qu'un détachement de 10000 réguliers et de 12000 cosaques doit marcher sur Colberg. Votre intention était de tomber sur un de ces corps et de battre ainsi les troupes de l'ennemi en détail. Forcade n'est point fait pour avoir le commandement sur un pareil corps, il manque de résolution;2 Goltze vaudrait mieux pour cela. Et, d'ailleurs, les régiments qui sont là-bas, sont tous rapiécetés; ils pourront servir mêlés avec les autres, mais seuls ils s'en acquitteront mal.

Voilà mes petites réflexions. Il faudrait un bon ingénieur à Glogau, cela sera absolument nécessaire. Je passerai l'Elbe le 15, et je serai obligé de m'abandonner aux grandes aventures, au hasard de tout ce qui pourra en arriver; à des maux désespérés il faut des remèdes de la même nature.

Je ne vous entretiens pas de tous mes embarras, mais je vous assure que je ne suis pas sur un lit de roses. Le Ciel nous assiste, car



1 Das Datum nach der Ausfertigung. In der Ausfertigung wird Eingangs der Empfang des Berichtes vom 7. Juni bestätigt.

2 Vergl. S. 399.