Comme vous me marquez réitérément, combien on désire là d'être exactement éclairci de ma situation présente en Saxe et de la tournure que les affaires ont prise, je vous informerai du véritable état de notre situation telle qu'elle est. Il faut savoir préalablement que ni moi, ni les Autrichiens n'avons pris des quartiers d'hiver, mais que les armées sont restées sur le pied où elles ont été, quand elles ont fini de camper.
Les Autrichiens sont à la vérité maîtres de la ville de Dresde, mais nous le sommes de tout le reste de la Saxe. Il faut que vous sachiez d'ailleurs que, par l'échec que le corps de Finck a souffert auprès de Maxen, nous n'avons pas perdu des régiments entiers, mais la moitié à peu près seulement d'un chacun, de sorte que j'ai travaillé d'abord de remettre au possible ces régiments et de les compléter au mieux, autant que le temps a voulu me le permettre. Cependant, comme la reine de Hongrie s'est imaginé cette perte bien plus considérable de ma part qu'elle ne l'est effectivement, elle a cru, en calculant les autres malheurs que nous avons eus l'année passée, que mon armée serait fondue par là, en sorte que, par les efforts qu'elle ferait conjointement avec les Russes, il ne lui coûterait plus guère d'écraser le reste. C'est pourquoi elle a tant mis en œuvre à Pétersbourg et fait là tant de corruptions pour gagner cette cour, afin d'agir encore contre moi. tout comme celle-ci agira aussi certainement.
Ce que je crains avec raison, c'est que les Français augmenteront leur armée au Rhin, en renonçant plutôt à tout projet d'invasion en Angleterre; qu'ils formeront une armée de 40000 hommes à peu près au Rhin et une autre de 80000 sur le Main ou dans ces contrées. L'armée du prince Ferdinand de Brunswick, que je calcule, inclusivement le secours qu'on lui prépare actuellement en Angleterre, à 80000 hommes, dont il faut décompter 10000 pour les garnisons, sera forcée de se partager en deux corps, l'un vers le Rhin, l'autre vers le Main, et tout ce que le prince Ferdinand pourra faire avec ces deux corps, ce sera de se soutenir pendant la campagne et de se trouver à la fin dans la situation dans laquelle il est actuellement.
Pour moi, j'aurai ici vis-à-vis de moi 80 000 Autrichiens du côté de la Saxe, l'armée de l'Empire, à laquelle les Autrichiens ont ajouté 25000 hommes, qui, par conséquent, feront 40000 hommes, moyennant quoi ce seront 120000 hommes qui agiront contre la Saxe, auxquels je ne pourrai opposer que 48000 hommes. 20000 Autrichiens agiront sur les frontières de la Bohême du côté de la Silésie, 60000 Russes du côté de la Pologne, auxquels je ne pourrai opposer que 47000 hommes, et je ne mets pas en ligne de compte les Suédois même. Si vous voulez faire attention à la grande supériorité de ce nombre, le découragement que beaucoup de mauvais succès ont mis dans les troupes, vous vous figurerez facilement que nous ne devons pas nous flatter des avantages pendant la campagne prochaine, et qu'il est presque impos-