11731. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.1-1

[Pretzschendorf],1-2 1er janvier 1760.

Mon cher Frère. Je fais mille vœux pour votre prospérité, conservation et agréments, et je souhaite que l'année dans laquelle nous entrons, soit à toute la nation plus favorable que la précédente.

L'ennemi a reçu hier un renfort d'infanterie et de cavalerie; il a actuellement 28 bataillons et 50 escadrons dans son poste.1-3 II n'y a donc rien à faire, et nous allons retomber dans les plus cruels embarras. On prétend que Daun veut faire une campagne d'hiver; on dit que les Cercles doivent retourner en Bohême. Si cela est, il les fera marcher du côté du Basberg1-4 et sur Zschopau, pour me débusquer de Freiberg; de là le corps de Hadik, joint aux Cercles, tireront vers Leipzig, Beck vers Torgau, et la grosse masse de l'armée nous serrera par devant. Jugez de la fin de cette manœuvre, et quelle affreuse catastrophe se prépare.

Les lettres de la France sont toutes favorables à la paix; mais il ne nous suffit pas qu'elle se fasse, il faut encore qu'elle soit prompte, ou c'est moutarde après dîner.

Je me propose de consumer ici tous les fourrages des environs et de me retirer ensuite à Freiberg; nos alliés1-5 s'en iront, et alors notre situation empirera considérablement. J'ai donné rendez-vous à la finance;1-6 j'irai un jour à Nossen, pour arranger ce que je pourrai pendant ce court espace, et établir le peu d'ordre dans les affaires qu'il me sera possible d'y mettre.

Mon cœur est navré de chagrin, et ce qui me décourage le plus, c'est que je suis à bout de tous mes moyens et que je ne trouve plus<2> de ressources.2-1 Je ne devrais pas vous attrister le jour du nouvel an, mais vous dérober ce tableau funeste qui, cependant, est si présent à tous les yeux qu'on ne saurait se le voiler. Enfin, mon cher frère, le passé, le présent et l'avenir me paraissent également affligeants, et je ne cesse de me répéter qu'étant homme, il faut subir le sort des humains. Je suis avec une parfaite tendresse, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.2-2



1-1 Die Berichte des Prinzen Heinrich sind im Monat Januar aus Unkersdorf (ostnordöstl. von Wilsdruff) datirt. [Die Schreibung der Ortsnamen geschieht nach dem „Ortslexikon von Deutschland“ von H. Rudolph.]

1-2 Ostsüdöstl. von Freiberg.

1-3 Dippoldiswalde. Vergl'. Bd. XVIII, 730.

1-4 Sebastiansberg.

1-5 Das von der alliirten Armee nach Sachsen detachirte Corps des Erbprinzen von Braunschweig. Vergl. Bd. XVIII, 764.

1-6 D. h. den Beamten des preuss. Feldkriegsdirectoriums in Sachsen.

2-1 Auf einem Berichte des Ministers von Schlabrendorff, d. d. Breslau, 26. Dezember 1759, findet sich die eigenhändige Weisung: „In Schlesien müssen vor 40000 Mann Magazine gemacht werden, 30000 Infanterie, 10000 Kavallerie, in Breslau, Glogau und Schweidnitz; und über zwei Million Zuschuss wird er nicht kriegen können.“

2-2 Alle Schriftstücke, deren Aufbewahrungsort nicht besonders genannt ist, sind dem Königl. Geheimen Staatsarchiv zu Berlin entnommen.