12023. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Freiberg, 21 avril 1760.

Je vous fais cette lettre pour vous informer que, quoique je n'aie épargné ni soins ni dépenses pour réparer la perte que la malheureuse<283> affaire de Maxen m'a coûté en troupes, et que j'aie assez bien réussi avec l'infanterie, il ne m'a pas été possible de réussir avec la cavalerie, dont de 35 escadrons que j'y avais perdus, je n'ai pu remettre en état de servir que 10 escadrons, malgré toutes les peines et les mouvements que je me suis donnés pour suppléer au reste. Comme il me reste donc un vide de 25 escadrons en cavalerie parmi mon armée et que ce vide m'est d'autant plus considérable et sensible, vu la grande supériorité en nombre de mes ennemis auxquels j'ai eu toutes les peines du monde de résister l'année passée, nonobstant que j'avais alors le nombre complet de mes régiments, je me suis vu obligé par une nécessité indispensable d'écrire au prince Ferdinand de Brunswick pour le prier de vouloir bien me renvoyer ces 10 escadrons de dragons qui ont servi jusqu'à présent auprès de l'armée sous ses ordres, indépendamment desquels je lui laisserai cependant à sa disposition les 1000 hussards avec le bataillon franc qui s'y trouvent des miens, quelque grand besoin que je saurais avoir d'eux encore. J'avoue que c'est à grand regret que je me suis déterminé à prendre ce parti, mais quand on réfléchit tant soit peu sur les considérations susdites, je crois que tout le monde conviendra que, dans les circonstances critiques où je me trouve actuellement encore, et vu le grand nombre d'ennemis que j'ai vis-à-vis de moi et qui n'attendent que le retour de la saison pour ouvrir la campagne par m'assaillir de plusieurs côtés, je n'ai pas pu me dispenser de rappeler à moi ce petit secours pour résister aux entreprises de l'ennemi aussi bien que mal que je pourrai, à qui je [ne] saurais faire tête, ni me montrer même, si je n'ai pas à lui opposer au moins un nombre tant soit peu suffisant de cavalerie. Je suis d'ailleurs persuadé que cette diminution peu considérable des troupes aux ordres du prince Ferdinand ne saura en rien déranger les projets de sa campagne, qui, s'étant trouvé à même l'année passée de s'opposer par deux corps de troupes à toutes entreprises des Français, ne saura manquer de le faire d'autant plus efficacement cette année-ci par les augmentations de forces que l'Angleterre lui a fait fournir aussi considérablement, au lieu que dans ma situation ici je ne saurais pas me soutenir en Saxe sans ce mince secours des 10 escadrons que je réclame, même jusqu'au temps que la paix entre nous et la France, selon les apparences présentes, pourra être constatée par des préliminaires.

J'ai cru très nécessaire de vous informer de toutes ces circonstances, afin que vous en parliez aux ministres anglais, pour leur faire comprendre les motifs qui m'ont indispensablement obligé de procéder à cette démarche, quoiqu'à mon grand chagrin, et pour leur faire goûter ma résolution. Si j'avais su imaginer quelque autre moyen ou ressource pour me soutenir entre le grand nombre des ennemis vis-à-vis de moi, au moins jusqu'au temps qu'une paix avec la France ou d'autres circonstances favorables eussent permis au prince Ferdinand de me donner des secours efficaces, il ne me serait jamais entré dans l'esprit de<284> rappeler les 10 escadrons de dragons en question; mais comme sûrement, sans cela, l'ennemi m'aurait accablé de ses forces, voilà la nécessité qui m'y a forcé.

J'attends avec bien de l'impatience le rapport que vous me ferez à ce sujet.

Federic.

Nach dem Concept.