12279. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
Quartier général de Leubnitz, 23 juillet 1760.
J'ai bien reçu votre lettre du 22514-1 de-ce mois. Plût à Dieu que les vœux que vous faites pour la prompte réduction de Dresde, eussent été exaucés! Mais il faut malheureusement que je vous dise que ce coup m'a manqué. Je vous dis selon la plus exacte vérité ce qui en a été la cause, savoir qu'en premier lieu mon artillerie m'y a mal secondé et qu'en second lieu mon artillerie de siège m'arriva trop tard de Torgau, par la nonchalance et les mauvaises dispositions qu'avaient faites ceux à qui j'avais donné la commission pour son transport, de sorte que cette artillerie ne m'arriva que trois jours après que je me fus rendu maître de la Pirnaische Vorstadt. Là-dessus, Daun est retourné avec toute son armée, qu'il a fortifiée encore de quelques détachements des corps de Laudon et de Beck; ce qui m'obligea de retirer mes postes du Weissen Hirsch et des Fischhäuser et, par conséquent, ce corps de Nauendorf514-2 qui y campait sous les ordres du prince de Holstein. Je n'ai pas eu assez de troupes pour me soutenir des deux côtés de la rivière contre un ennemi voisin et trop supérieur en nombre; ainsi que j'ai mieux aimé de retirer de bonne grâce mes détachements que de hasarder d'être battu en détail. Voilà ce qui a été la cause que Daun est devenu maître de la ville de Dresde au delà de l'Elbe. Hier matin, encore avant le lever du soleil, il a voulu attaquer notre poste dans la Pirnaische Vorstadt; mais j'ai retiré mon artillerie de siège et presque tous mes canons des différents postes susdits que nous avions occupés. L'ennemi sortit de la ville avec 16 bataillons; si les dispositions que j'avais faites à ce sujet, avaient été exécutées, l'ennemi aurait bien perdu 4 jusqu'à 5000 hommes; nonobstant cela, il a été vivement repoussé et culbuté dans la ville, et nous lui avons pris le général Nugent, quelques officiers et jusqu'à 200 hommes prisonniers, en sorte que cette affaire lui a coûté au delà de 1000 hommes. Mais comme Daun a fait construire deux ponts de bateaux sur l'Elbe, et qu'il a campé son armée auprès de ce qu'on nomme les Scheunen, il n'a pas été praticable que j'eusse pu continuer le siège. D'ailleurs, toute ma munition d'artillerie de siège a été consumée jusqu'à 600 coups encore.
Lacy campe avec son corps de Gross-Sedlitz jusqu'à Dohna, le défilé devant soi; l'armée de l'Empire derrière Maxen. Vous verrez par là qu'il m'est impossible d'entreprendre quelque chose contre l'ennemi. De l'Altstadt Dresde, jusqu'à la troisième partie en a été réduite en cendres, contre mon intention et [mes] ordres, qui étaient de ménager la ville, mais de faire jouer l'artillerie contre les ouvrages de fortification. Je<515> ne doute pas que mon ministre comte de Finckenstein, que j'ai fait informer des circonstances qui ont occasionné cet incendie, ne vous en aura fait communication.
Quant à vos arrangements dont votre lettre m'instruit, je ne saurais que les applaudir parfaitement, et approuver absolument vos idées. Selon mes lettres du 9 de ce mois, le terme de l'ouverture de la campagne des Russes ne doit être qu'au 27 : ce que vous saurez mieux et avec plus de certitude que moi ici.
Contre les Russes, il ne vous faudra que des camps forts et bons; au cas que vous ne trouviez pas de votre convénience de les attaquer vous-même, ils ne vous attaqueront pas, ce dont vous saurez être presque tout-à-fait assuré. Mais, si vous croyez de réussir en quelque façon contre Laudon ou contre Beck, je ne saurais que de le bien approuver. Dans le cas que vous ayez du succès en Silésie, vous aurez alors, le cas l'exigeant, la liberté — et je vous autorise par la présente à cela — de vous faire joindre d'une partie des garnisons des forteresses qui seront alors le moins exposées, pour en fortifier votre infanterie, soit de Neisse, soit de Schweidnitz, soit de Breslau, selon que les circonstances le permettront. Je vous communique à la suite de celle-ci une relation que je viens de recevoir de Kottbus;515-1 vous en verrez qu'avant que Daun ait marché vers la Silésie, Laudon, par toutes les pertes en hommes qu'il a essuyées, n'a eu, tout compté, que 30 000 hommes à peu près. A présent que Daun en a beaucoup retiré, je crois que, les troupes absentes décomptées que Laudon a envoyées vers Glatz et autres contrées de la Silésie, il ne pourra vous opposer au delà de 15 000 hommes. Vous ferez réflexion encore sur ce qui vous conviendra le plus, ou d'agir contre Laudon avant le temps que les Russes sauraient avancer, ou de choisir le mieux votre moment et temps à cela au temps que les Russes commenceront à se mettre en marche, pour lui approcher.
Il y a 40 canons à Breslau, pièces de campagne, dont vous pourrez disposer selon le besoin. Nous nous attendons ici à de petits combats; peut-être cela en viendra-t-il à quelque chose de plus. Adieu, cher frère, je fais la vedette ici de trois côtés.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.
514-1 Verschrieben für 20. Die dem obigen Schreiben zu Grunde liegenden Weisungen befinden sich auf der Rückseite des Berichtes vom 20. Juli.
514-2 Vergl. S. 485.
515-1 Liegt nicht bei.