<47>nation, me fait penser que le danger du côté de la Flandre n'est pas encore si pressant.
Si d'un autre côté le parti de la cour prend le dessous en Angleterre, il est sûr que toutes les considérations des possessions que ce prince a en Allemagne n'empêcheront point la nation de déclarer la guerre à la France. Je ne me mêle point de la marine; ainsi, je ne m'ingère point de raisonner sur ce que les Anglais peuvent ou ne peuvent point faire avec leurs forces maritimes. Quant à leurs troupes de terre, il faudrait qu'ils les débarquassent en Hollande, pour faire la guerre à la France, et je ne sais si la Hollande et l'Angleterre seules voudraient commencer une guerre ruineuse pour l'intérieur de leurs États, et dont l'événement pourrait leur devenir funeste. Cependant on ne saurait trop avoir d'attention à ce qui se ligue entre ces puissances, une prudence superflue dans cette occasion-là ne me paraît pas un défaut.
Je crois que le roi de France pourrait accepter le traité de neutralité que lui offre le roi d'Angleterre, en y changeant quelques termes ou ce qu'il trouvera convenable. Il me semble même que le traité de neutralité solennellement conclu pourrait rendre des services en Hollande, si M. de Fénelon s'en sert adroitement. Ce traité rendra même la tranquillité à tous les princes de la Westphalie, qui sont dans des appréhensions mortelles pour leurs petits États, qui crient sourdement, et qui ne laissent pas, tous réunis ensemble, de mettre un petit poids dans la balance de l'Europe.
La révolution arrivée en Russie, l'armistice prématuré entre cette armée et la suédoise, le voyage du prince de Holstein à Pétersbourg, ont tellement brouillé les affaires du Nord, que c'est une fusée bien difficile à débrouiller à l'imagination. Tant d'intérêts contraires à concilier, tant de jalousies mutuelles, les haines des nations, les vues ambitieuses des ministres qui se croisent, enfin une infinité de circonstances compliquées, suspendent jusqu'à présent mon jugement sur ces matières délicates. J'ose cependant hasarder quelques réflexions sur la Russie, qui me font croire qu'on pourrait y parvenir à une paix favorable pour la Suède. C'est premièrement les vœux de toute la nation pour la paix, ce sont les inclinations voluptueuses de l'Impératrice, son penchant pour la vie douce et agréable, l'épuisement de l'État, et le manque de bons sujets dans le ministère.
Il me semble que, pour profiter de toutes ces dispositions, il faudrait traîner la négociation entamée par M. de La Chétardie jusqu'après le couronnement de Moscou, où, Pétersbourg et l'Europe perdues de vue, la douceur de ce climat et le dégoût des grandes affaires rendront cette cour plus flexible qu'elle ne le paraît à présent. Le ton sur lequel ce ministère est monté, me fait croire que la reine de Hongrie ne pourra pas en attendre de grands avantages, bien moins des secours.
Le roi de Prusse, qui n'aime point à se précipiter dans ce qu'il fait, croit que les conjonctures font les alliances et non pas les alliances