658. AU MARÉCHAL DE FRANCE COMTE DE BELLE-ISLE A FRANCFORT SUR-LE-MAIN.

Berlin, 8 janvier 1742.

Mon cher Maréchal. Après vous avoir souhaité la bonne année, accompagnée de toutes les prospérités que vous méritez, je dois vous féliciter du délogement des Autrichiens de Teutschbrod, poste avantageux, qu'ils ont quitté, je crois, avec trop de précipitation. Je dois vous informer en même temps du succès qu'a eu l'entreprise du maréchal Schwerin sur Olmütz, dont il s'est rendu le maître avec beaucoup de facilité.

Je passe de la guerre à la politique, qui est souvent, ou, pour mieux dire, toujours, le mobile de l'autre. J'ai écrit au Cardinal pour lui communiquer mes idées sur les moyens d'accélérer la paix. Il m'a paru que, le couronnement fait à Francfort, les quatre puissances alliées pourraient faire une espèce de représentation à la reine de Hongrie pour la porter à la paix, en lui remontrant que les fâcheuses suites de son obstination pourraient lui coûter Vienne et toute la Basse-Autriche. Je présume que la peur de tout perdre, et la privation de toute assistance, lui fera prendre le parti de recevoir les conditions que les alliés lui feront, en conformité du partage réglé par l'alliance.

Je dois vous dire, à propos de cette alliance, que je me repose sur vous qu'on n'y fera aucune innovation, et que M. Poniatowski et M. Saul seront les dupes de leur mauvaise foi. Car la moindre altération du traité en fait la dissolution. De plus, tant que je respirerai, fidèle comme je suis à mes engagements, je ne souffrirai point qu'on démembre une métairie de Bohême en faveur du Roi saxon. Je vous prie d'imprimer7-1 fort ce petit Mercure politique saxon,7-2 que la mauvaise foi de sa cour ne pouvait jamais se manifester davantage qu'en voulant refondre un traité le second mois de sa signature. Cette cour était dégoûtée, je lui ai fait venir l'appétit, moitié bongré, moitié malgré, et à présent, la voilà insatiable. Il n'y aura rien de sacré, rien d'inviolable dans le monde, si nous donnons les mains aux changements odieux et déshonnêtes que l'avidité saxonne exige de nous. Ces gens <8>veulent tout avoir et rien faire, ils veulent faire des conquêtes, et ils n'ont pas le cœur de conquérir; ne prêtez point, je vous en prie, Monsieur, l'oreille au ridicule projet qu'ils vous voudront faire goûter, et si vous avez leur intérêt à cœur, conseillez-leur de ne point se départir de l'alliance, sans quoi les garanties finissent, et tous les liens qui lient nos concupiscences communes sont dissolus.

Je partirai d'ici le 15 de février, pour me rendre en Bohême et de là à Olmütz, afin d'y prendre langue, de former mes magasins, et en un mot de préparer tous les matériaux nécessaires pour achever le grand édifice que nous avons heureusement élevé jusqu'à ce point que rien ne le saurait bouleverser que la désunion des architectes et le changement du plan.

Adieu, mon cher Maréchal, je suis avec toute l'estime imaginable, en faisant des hérétiques vœux pour votre entière reconvalescence, mon cher Maréchal, votre très fidèle et véritable ami

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanztei.



7-1 Sic.

7-2 Saul.