668. AU ROI DE BOHEME A MANNHEIM.

Von dem Generalfeldzeugmeister Freiherrn v. Schmettau.

Prague, 22 janvier 1742, après-midi à 2 heures.

Sire. Les respectueuses attentions que je dois à Votre Majesté m'obligent à Lui rendre compte de l'empressement du Roi mon maître pour le service de Votre Majesté. Nous sommes parti le 18 de janvier de Berlin avec le Roi, et étant arrivés hier, le 19, à midi ici14-2 avec Sa Majesté, le roi de Pologne, après le diner, ayant reconduit le Roi mon maître dans son appartement, ils firent appeler, pour constater en notre présence un plan d'opération et pour discuter toute la matière, les personnes suivantes, à savoir M. le comte de Brühl, premier ministre du roi de Pologne, M. Desalleurs et M. de Valory,14-3 tous deux envoyés de Sa Majesté Très Chrétienne, et ma personne.

Le Roi mon maître, parlant à Sa Majesté le roi de Pologne, lui déclara que, quoiqu'il eût déjà envie de venir faire visite au mois de <15>février à Sa Majesté Polonaise, cependant les affaires et conjonctures survenues présentement l'avaient obligé d'anticiper cet honneur qu'il s'était voulu donner, et d'autant plus que les circonstances dans lesquelles se trouvait M. de Ségur avec un gros corps de cavalerie et d'infanterie française et bavaroise dans la Haute-Autriche, et l'exposition dans laquelle était toute la Bavière pour devenir le théâtre de la guerre et être exposée aux ravages des ennemis, ne pouvaient pas être regardées des autres alliés avec un œil indifférent; et que, quoique les troupes prussiennes eussent davantage besoin de repos que celles d'aucun allié, pour avoir fait campagne 12 à 13 mois de suite, hiver et été, et avoir supporté les trois quarts de ce temps elles seules le fardeau de la guerre et toutes les forces autrichiennes, cependant, ayant trouvé indispensable, lorsqu'il s'agissait de sauver un si beau corps de troupes comme sont celles de Sa Majesté Très Chrétienne, et de secourir en même temps un allié pour lequel elle avait une si haute estime, dans ses besoins les plus pressants qui pussent jamais exister, Sa Majesté avait trouvé à ajouter à ces deux raisons, quoique plus que suffisantes, encore les suivantes, à savoir qu'il serait très préjudiciable à la gloire des armes des alliés, d'être une fois plus forts en nombre de troupes que les ennemis, et les laisser, cependant, agir offensivement et enlever des corps de troupes, villes, et forteresses, dans le temps où ils auraient dû déjà, par les opérations faisables, être rencognés dans la Hongrie et la Stirie.

De plus, que, si l'on tardait à y porter les remèdes les plus efficaces, il est constant que les ennemis s'empareraient de Passau et de toute la rivière d'Inn, jusqu'en Tirol, et du Danube, jusqu'à Ratisbonne et Donawerth, à cause de la quantité de milice légère qu'ils ont; et que, dans cette position, lorsque l'ennemi aurait pu s'emparer de Passau, Schärdingen et Braunau, les désavantages pour l'ouverture de la campagne des alliés devenaient aussi désavantageux qu'il est possible, et donneraient occasion aux ennemis de nous faire la guerre dans notre propre pays, offensivement, et d'ouvrir même la campagne de meilleure heure que nous, quoique avec un nombre de troupes réglées beaucoup inférieur. A quoi il y avait encore à ajouter, que, dans la saison présente, ce serait le seul moyen de déloger l'ennemi du poste notoirement si avantageux entre Budweis, Wittingau et Tabor, qu'on leur avait abandonné ci-devant si mal à propos, à cause que la force de ce poste consiste principalement dans la quantité d'étangs, rivières et marais qui l'entourent; que la présente gelée donnant passage à tous ces inconvénients, il paraissait indubitable de les en déloger. Que pour cet effet, puisque le tout dépendait de la promptitude de l'exécution et à profiter des circonstances, Sadite Majesté Prussienne avait accéléré son voyage, pour se porter elle-même à la tête de ses troupes, pour faire les opérations conjointement avec les autres alliés, environ de la manière suivante :

<16>

Que toutes les troupes saxonnes qui se trouvent actuellement du côté de Polna et Teutschbrod, de même que celles de Sa Majesté Très Chrétienne qui se trouvent de ce côté-là, sous les ordres du lieutenantgénéral, M. le comte de Polastron, se réuniront à celles de Sa Majesté Prussienne, et sous ses ordres, pour aller en force, conjointement et selon les dispositions que Sadite Majesté fera pour cela, chasser les ennemis du poste d'Iglau, poste où les ennemis ont non seulement un grand magasin, ruais qui couvre outre cela tout le pays situé derrière, vers l'Autriche, auquel les ennemis n'ont encore point ou peu touché, pour se conserver les vivres et fourrages pour l'avenir; et qu'en même temps ce poste d'Iglau couvre et met absolument en sûreté tous les quartiers des Saxons et Français dans le cercle de Czaslau, et leur procurerait la subsistance et à faire16-1 en avant des magasins pour les opérations de la prochaine campagne, d'autant plus que, comme Sa Majesté Prussienne se propose d'avancer, cette expédition d'Iglau faite, vers la Taya, cela donnerait lieu aux troupes saxonnes et françaises d'avancer en égale ligne toujours, en se cantonnant dans une proximité à pouvoir s'entresecourir, et de déloger les ennemis de Pilgram, Potschaken et Teltsch.

Il est évident que, dans une telle position, les ennemis de deux choses doivent faire l'une, savoir que M. de Lobkowitz doit tirer à soi le prince Charles de Lorraine, avec tout le corps qui est entre Budweis et Tabor, pour venir en avant de nos trois corps et hasarder un coup de collet, auquel cas M. le maréchal de Broglie, connu pour suffisamment vigilant et attentif, ne manquerait pas de s'emparer des postes de Budweis, Wittingau et Tabor, et de regagner par conséquent la communication par Freistadt avec M. de Ségur à Linz.

Mais comme il n'est pas naturel que les ennemis, qui ne pourront tout au plus rassembler que 30,000 combattants de troupes réglées, veuillent hasarder, contre plus de 40,000 de troupes infiniment meilleures, la seule armée sur laquelle roulent toute leur espérance et salut, le parti le plus raisonnable que les ennemis puissent prendre paraît être celui-là, que, d'abord qu'ils nous verront faire le mouvement vers Iglau, ils ne tarderont pas un moment pour gagner la rivière de Taya et se mettre avec toutes leurs forces, depuis Weitra, Böhmisch-Waidhofen, Drosendorf, Hardegg, Znaym, Laa, Nikolsbourg, Feldsberg, jusqu'à Lundenburg, où la Taya entre dans la March ou Morawa, afin de couvrir par là l'Autriche, si longtemps qu'il est possible, ce qui leur doit importer infiniment plus que tout le reste, et aussi parce que, ne le faisant pas, nos troupes prussiennes, saxonnes et françaises, après avoir gagné la Taya, pourraient sans difficulté, avancer jusque sur le Danube et, en masquant le seul passage du pont de Vienne, devenir non seulement maîtresses des <17>deux quartiers d'Autriche, Unteret Ober-Mannhardsberg, sans fatiguer en aucune manière les troupes, mais au contraire, en avançant toujours en cantonnant dans un pays très abondant tant pour la subsistance que pour l'amas d'un très grand magasin. Il paraît même impossible que les ennemis puissent nous laisser prendre ce parti-là, parce que sans cela il est évident que nous les couperions tout-à-fait de l'Autriche et du Danube, après avoir gagné le bord de notre côté du Danube, puisque, après cela, notre ligne depuis Krems jusqu'à Horn, et après cela depuis Spitz par Zwettl à Weitra, sera raccourcie toujours, et que, d'abord que nous deviendrions en égalité entre Weitra et Mauthausen, il n'y aurait plus de ressource pour eux.

Quelconque de ces deux cas qui arrive, il paraît indubitable que nous gagnerons par cette opération incessamment la communication avec la Haute-Autriche. Il reste donc le seul doute si M. de Ségur pourra se tenir assez longtemps pour attendre que nous puissions lui donner la main, ce qu'il faut espérer; mais, en mettant cependant la chose au pire, les Autrichiens nous auraient enlevé la Haute-Autriche, et nous leur enlèverons toute la Moravie, à Brünn près, qui se trouvera bloqué, et la bonne moitié de la Basse-Autriche, en les mettant en même temps dans une situation à devoir couvrir la Hongrie avec un gros corps de troupes, et à tenir sur le Danube, pendant le reste de l'hiver, toutes les forces. Par conséquent, leur gauche, qui serait sur l'Inn dans ce dernier cas, ne peut pas être en assez de force pour que les Bavarois, avec leurs troupes réglées et milices, ne puissent leur défendre le passage, pour le moins autant que M. le maréchal de Broglie, en cas de besoin, après avoir regagné le reste de la Bohême, puisse envoyer quelques bataillons pour les renforcer.

Quoique cette proposition du Roi mon maître et son idée parût être l'unique qui pût être adoptée, même avec avidité, des autres alliés, cependant il trouva à Dresde, dans la susdite entrevue, bien des contrastes de si et de mais et de quand, lesquels, quoique très faibles, furent appuyés beaucoup de M. le Comte de Saxe. Cependant, comme le gros de leurs exceptions ne roula que sur le défaut du pain des Saxons, Sa Majesté Prussienne y coupa court, en prenant quelque plis de sérieux: il leur déclara que, comme les alliés pourraient fort bien juger que lui, de son côté, après avoir conquis tout le pays qu'il prétendait, avait moins de raison qu'aucun autre allié de fatiguer ses troupes, et que ce qu'il faisait en cela, n'était précisément que

1° pour gagner aux Saxons la Moravie,

2° de sauver le corps des troupes françaises et bavaroises, et

3° de garantir le pays héréditaire de son meilleur ami et allié, le roi de Bohême et électeur de Bavière,

de façon que, pour ôter tout prétexte de contrariété, il voulait bien lui-même passer par Prague, pour y concerter avec l'intendantgénéral de France les moyens pour la subsistance des troupes saxonnes, <18>du moins pour autant jusqu'au temps que18-1 l'expédition d'Iglau pût être faite, puisque alors les troupes saxonnes ne manqueraient plus des moyens de se procurer elles-mêmes dans les pays ennemis leur subsistance. Le Roi déclara de plus que, si même, après la prise d'Iglau, les Saxons, soit sous prétexte de trop de fatigues ou d'autres excuses de pareille nature, ne trouvaient plus à propos d'avancer en égale ligne avec elle vers Pilgram, Potschaken et Neuhaus, Sa Majesté avancerait cependant avec ses troupes vers la Taya, autant qu'il serait possible et que la raison de guerre et la conduite des ennemis lui en donneraient lieu, bien entendu : pourvu que les Saxons resteront dans le cercle d'Iglau, de façon qu'ils lui épaulent toujours sa droite.

Mais que, si au contraire les Saxons ne voulaient pas concourir à cette sa dernière déclaration, le Roi mon maître demandait qu'on mettait d'abord par écrit un protocole, pour y noter sa proposition, comme aussi les objections d'un chacun, afin que tous les alliés voient par là les raisons et sujets qui ont fait manquer une expédition si généreuse et si nécessaire.

On remit donc la totale résolution au lendemain, le 20 janvier, entre lequel temps M. de Valory, qui avait expédié un courrier à Prague à M. de Séchelles, reçut une réponse très satisfaisante à l'égard de la bonne volonté des troupes françaises, comme aussi sur l'article de subsistance pour les troupes saxonnes.18-2

Ainsi, comme par là ni la cour de Saxe, ni M. le Comte de Saxe, auquel on avait fait souvenir qu'il était général français et non pas saxon, ne trouvèrent plus aucun prétexte d'opposition à ces desseins, ils promirent de concourir à l'expédition d'Iglau, mais à condition qu'ils rentreraient immédiatement après dans les quartiers d'hiver.

Sur quoi le Roi mon maître partit incessamment et arriva ici hier au soir, où tout fut réglé entre elle,18-3 l'intendant et les deux lieutenantsgénéraux français, le Comte de Bavière et de Gassion;18-4 étant à noter qu'en chemin faisant vers ici, le Roi rencontra à Aussig le major de carabiniers, M. de Marsilly, qui porta à Dresde la réponse qu'il18-5 accédait entièrement aux desseins du Roi, encourageant en même temps la cour de Saxe pour n'y pas manquer.

Voilà, Sire, l'état dans lequel le Roi mon maître laisse les affaires, en partant cette après-midi à trois heures pour Olmütz, pour y disposer et commencer incessamment l'opération en question. On ne devrait pas douter que les Saxons ne s'y prêteront entièrement et même de meilleure grâce que par le passé, et se mettront même en état de faire au prin<19>temps le siége de Brünn, et donneront par là aussi aux autres alliés la facilité de finir glorieusement la guerre et à la satisfaction entière de Votre Majesté, le Roi mon maître ayant cela pour son principal but.

J'avais déjà fini cette ma très humble lettre, lorsque l'on reçut ici la mauvaise nouvelle de la défaite du comte de Törring,19-1 qui est allé s'aventurer avec sa seule infanterie, qu'on assure n'être pas plus forte que de 1,800 hommes, vers Schärdingen. Ce mal n'est pas grand à cause de la quantité des hommes perdus, mais à cause de la situation dangereuse du pays de Votre Majesté et du relèvement du courage des ennemis et des suites mauvaises pour M. de Ségur. Cependant, cela n'empêchera rien au dessein du Roi mon maître, pourvu que les Saxons ne fassent pas de difficultés, comme il est à craindre.

J'ai l'honneur d'être avec la plus profonde vénération, Sire, de Votre Majesté le très humble et le plus obéissant

S. Baron de Schmettau.

Nach dem Concept.



14-2 Sic, fur à Dresde.

14-3 Vergl. Valory's Schreiben an Séchelles, Dresden 19. Januar, Campagne des maréchaux de Broglie et de Belle-Isle, Bd. III, Amsterdam 1772, S. 248. 1 Sic.

16-1 Sic.

18-1 Sic.

18-2 Der Graf von Sachsen schreibt an Graf Rutowski, Pisek 29. Januar: „M. le maréchal de Broglie est furieux contre M. de Séchelles, de ce qu'il s'est prêté à vous fournir du pain pour cette expédition (bei Vitzthum d'Eckstädt, Maurice Comte de Saxe, Leipzig 1867, S. 418).

18-3 Sa Majesté.

18-4 Vergl. über die Conferenz in Prag am Abend des 21. Januar das Schreiben von Séchelles an Broglie, Prag 22. Januar, Campagne des maréchaux de Broglie et de Belle-Isle III, 255.

18-5 Sic.

19-1 17. Januar.