699. AU GÉNÉRAL COMTE DE RUTOWSKI A PIRNITZ.

Schelletau, 17 février 1742.

Monsieur. J'ai vu par l'instruction que vous avez donnée au général Renard les ordres que vous aviez reçus de votre cour,39-1 et je vous prie d'en suspendre l'exécution, jusqu'au retour du courrier que j'ai envoyé à Dresde.

Je vous réponds en général sur le sujet de nos opérations que, lorsque j'avais fait le projet de pénétrer en Bohême, la raison de cette opération était fondée sur la facilité qu'on aurait eue par là de regagner la communication avec la Bavière par Linz et par Passau. Cette raison n'existe plus à présent, puisque les ennemis se sont rendus maîtres de ces postes; par conséquent, notre marche sur Neuhaus n'aurait aucun effet, nous fatiguerions les troupes et les ruinerions par le temps qu'il fait, et nous nous retrouverions vis-à-vis de toutes les forces de l'ennemi, jointes ensemble et postées avantageusement. Ceci ne pourrait produire aucun effet; M. de Broglie, manquant de gros canons et des apprêts nécessaires, ne pourrait pas même en profiter pour prendre Tabor ou Budweis.

Il est à présumer que les ennemis, bien loin de rester étranglés dans leurs quartiers à Neuhaus, se replieront sur la Basse-Autriche, auquel cas vos troupes auraient mauvaise grâce de se séparer des miennes et de me laisser isolé.

Il faut vingt-quatre jours de marche, y compris les jours de repos, pour arriver d'ici à Pisek. Il est indubitable que, si l'ennemi avait l'intention de tenter quelque chose sur M. de Broglie, il le ferait avant ici et ce temps-là, de façon que les marches que vous ferez de ce côtélà ne serviraient qu'à ruiner vos troupes au préjudice de vos alliés.

Quant à l'expédition d'Iglau, je ne pense pas que je doive avoir grande obligation au roi de Pologne de ce qu'il a fait marcher ses <40>troupes de ce côté-là, et je pense qu'au contraire l'obligation pourrait être retournée. Ce n'est pas moi qui veux faire la conquête de la Moravie, mais c'est le roi de Pologne, ainsi il me doit avoir quelque obligation d'être venu moi-même pour l'en mettre en possession.

Je dois ajouter à toutes ces réflexions encore une, qui ne me paraît pas moins intéressante. C'est qu'en marchant du côté de M. de Broglie, vous me mettez dans, la même situation, et dans une pire, où il se trouve, à cause qu'ayant fait tout au monde pour attirer l'ennemi de ce côté ici, vous m'abandonnez dans le moment que l'ennemi doit y venir.

La conservation de vos troupes, l'inutilité de vos desseins sur Neuhaus, les raisons politiques de votre cour et les raisons de guerre sont si évidentes de mon côté que je ne vois pas ce que vous avez à répondre avec fondement à mes raisons. Je suis donc persuadé que votre cour se rangera facilement de mon avis, et que vous ne manquerez pas de recevoir des ordres pour prendre vos quartiers d'hiver en Moravie. Je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



39-1 Nach Böhmen zu marschiren und zu dem Marschall Broglie zu stossen.