799. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE BELLE-ISLE [A FRANCFORT SUR-LE-MAIN].127-1

Chrudim, 22 avril 1742.

Monsieur. J'ai bien reçu par M. de Valory votre lettre du 1er de ce mois, et ma satisfaction a été extrême, en y voyant que vous rendez justice à mes sentiments et à mes intentions. Les bonnes dispositions que la France a faites pour des opérations vigoureuses, m'ont bien réjoui, de même que la précaution qu'on a prise de faire marcher les troupes ensemble, ne doutant nullement que, si l'on ne se presse trop et attend que toutes les troupes soient assemblées, alors, en marchant en force sur Khevenhüller, on l'obligera bientôt de quitter la Bavière. La seule difficulté que je crains encore est de déloger les Autrichiens de Passau, étant très vraisemblable qu'ils tâcheront de leur mieux à soutenir ce poste.

J'espère que ma dernière lettre du 12 de ce mois vous aura assez instruit de toutes les raisons que j'avais alors pour marcher avec une <128>partie de mes troupes en Bohême, et que c'était principalement sur l'avis que M. de Valory me donna du dessein que l'ennemi avait de tomber tout d'un coup sur M. le maréchal de Broglie et sur Prague, avis qui fut confirmé par une lettre que je reçus du Roi de Pologne, et qu'à cela venait qu'il ne nous resta de la subsistance pour nos troupes en Moravie que poux quinze jours à peu près, qu'il n'y avait pas de rivières pour faire des transports de vivres, et que les gens du pays, à l'instigation des Autrichiens, s'étaient sauvés avec leurs chevaux et bétail.

Néanmoins, le temps nous a appris que lesdits avis qu'on nous a débités avec tant de vraisemblance, ont été faux, et que le prince Charles de Lorraine, au lieu de marcher vers Prague, s'est tourné tout d'un coup vers la Moravie, où il est actuellement avec ses forces. C'est ce qui m'a obligé d'y laisser encore une partie de mes troupes, destinées ailleurs pour la Bohême, afin de soutenir le corps d'observation que j'avais laissé en Moravie. Vous jugerez que tant de changements de mesures me doivent incommoder infiniment, me voyant obligé par là de rentrer en Moravie, aussitôt que les troupes qui me viennent sous les ordres du vieux prince d'Anhalt, m'auront joint, pour en déloger le prince Charles de Lorraine. C'est ce qui m'oblige de forcer la nature par des dépenses énormes, afin de faire transporter des amas de' magasin par chariot depuis l'Oder à Neisse et de là à Olmütz, distance de plus de douze lieues d'Allemagne; et, comme outre cela il faut que ce transport se fasse par-dessus les montagnes de la Moravie, il est facile voir combien d'arrangements il y aura à faire, et les dépenses furieuses que j'aurai à soutenir.

En attendant, les Saxons sont sortis de la Moravie, où leurs généraux avaient si peu d'envie de rester qu'ils me déclarèrent d'un jour à l'autre, par des lettres que j'ai en mains, qu'ils seraient obligés de repasser en Bohême tant faute de subsistance que pour couvrir leur pays. Et, quoique mes ordres et instances fussent de marcher vers Prague, pour y être à portée de soutenir M. le maréchal de Broglie, en cas que l'ennemi voulût à lui, néanmoins le Chevalier de Saxe vient de me mander aujourd'hui que par un ordre du Roi son maître il doit marcher vers Leitmeritz. Je lui ai fait entrevoir qu'à cet endroit il serait peu utile à la cause commune, néanmoins j'ai peu d'espérance qu'il changera d'avis.

Les arrangements que la cour de France a pris, pour se précautionner contre les desseins des Anglais sur les Pays-Bas, sont excellents, mais je vous laisse juger, Monsieur, vous-même si je puis faire marcher un corps suffisant de mes troupes dans le pays de Clèves, pendant la conduite équivoque que tient la cour d'Hanovre. Au contraire, je crois que, si je garde le reste de mes troupes dans mes pays en deçà de l'Elbe, cela tiendra toujours les Hanovriens en respect pour ne pas se remuer, et je crois que, si on faisait quelque bruit, comme si 12,000 hommes de troupes danoises venaient se joindre aux <129>miennes, pour former ensemble un corps d'observation, cela pourrait donner bien à penser aux Hanovriens.

Je vous prie d'être assuré de l'estime et de la considération avec laquelle je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



127-1 Wohin der Marschall am 21. April aus Versailles zuriickkehrte.