806. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BRESLAU.
Chrudim, 26 avril 1742.
Mon cher Podewils. Je suis curieux de savoir quel dessein les Anglais forment en Flandre, ce qu'ils veulent faire avec ces 16,000 hommes qu'ils y veulent envoyer, et quelle idée, en un mot, ils se font d'une diversion qu'ils peuvent opérer? Si vous le pouvez, tâchez de l'apprendre par Hyndford. Prenons 40,000 Hollandais, ajoutons-y les 16,000 Anglais et 15,000 Autrichiens, ce qui fait ensemble 71,000 hommes: croyez-vouz qu'avec ce corps l'on peut entamer la France en Flandre? Je ne saurais me le persuader. Se pourrait-il que cette armée traversât l'Allemagne? C'est ce que ne souffrira de la vie M. de <133>Maillebois, ni Noailles. Que feront donc ces milliers rassemblés? Rien que camper en Flandre. De plus, la Hollande n'est point encore d'accord avec les Anglais, et cette sage République craint trop d'attirer sur elle le flambeau de la guerre, qui fait tant de ravages dans d'autres pays.
Lorsque je considère ceci d'un côté, et l'orgueil immense de la cour de Vienne de l'autre, je ne sais comment les faire cadrer ensemble; il faut donc qu'ils aient encore une corde à leur arc qui nous est inconnue. Vous pouvez dire à Hyndford qu'il n'aura pas un mot de ma main, avant que je sache à quoi m'en tenir avec la cour de Vienne; que je comprends par tout le commencement de la négociation que les Autrichiens et les Anglais veulent premièrement attendre le premier événement, pour voir s'il leur serait favorable ou contraire, mais qu'ils peuvent compter là-dessus que je règlerai aussi mes prétentions sur le baromètre de ma fortune. Entre nous soit dit, je ne crois pas que nous parviendrons à quelque chose par cette négociation, et qu'il faudra par une montre de vigueur et quelque coup d'éclat les obliger à plier leur orgueilleuse opiniâtreté à la nécessité des conjonctures.
Ainsi, je n'ai plus cette idée aussi vivement dans l'esprit que passé trois semaines. D'ailleurs ma situation, à l'égard de mes arrangements militaires, est bien meilleure à présent, et je puis combattre, assiéger, me défendre ou attaquer, selon que je le juge utile. Que cela ne vous empêche pas cependant de faire des efforts pour parvenir à votre but, mais je ne crois pas que nous en soyons déjà à l'heure du berger.
Tâchez cependant de flatter Hyndford et de nous le conserver, c'est un escalier dérobé qui peut servir en cas d'incendie, et dont l'utilité pourra un jour servir, lorsque nous n'avons plus d'autre saint auquel. nous vouer. Je vous écrirai ci-joint un billet ostensible. Adieu.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.