954. AU CONSEILLER CATANEO A VENISE.
Berlin, 14 août 1742.
J'ai été étrangement surpris d'apprendre par votre feuille du 27 juillet passé la découverte que vous prétendez avoir faite de l'intrigue horrible que la cour de France doit avoir tramée contre mes intérêts à celle de Rome,250-1 et cela dans le temps que j'exposais ma propre personne pour le bien de ses alliés et le sien, et qu'elle me prodiguait les assurances les plus fortes et tes plus énergiques de son amitié et de sa fidélité à remplir ses engagements. Quelques soupçons que la conduite extraordinaire de la France durant le cours de la guerre, particulièrement sa lenteur et nonchalance indéchiffrable dans toutes les opérations militaires, eussent pu m'inspirer sur ses intentions, jamais il ne m'est tombé dans l'esprit qu'elle ait poussé la perfidie jusqu'à ce point; et même à l'heure qu'il est, j'ai bien de la peine à me persuader que le cardinal de Fleury ait pu se rendre coupable d'une trahison aussi noire et exécrable.
Comme il m'importe extrêmement d'être pleinement éclàirci sur ce point, vous n'épargnerez aucun soin ni dépense pour approfondir ce <251>mystère, et pour m'en faire tomber entre les mains quelque preuve authentique et que l'on puisse produire au public. Personne ne saurait mieux vous seconder la-dedans que le commandeur comte de Sinzendorff, qui se trouve à Venise, tant par lui-même que par son frère le Cardinal, évêque de Breslau, qui a assez de connaissances et d'amis à Borne pour pouvoir attraper des indices plus clairs et des preuves plus convainquantes sur tout cela. Vous pouvez même l'en requérir de ma part et l'assurer de ma protection et de ma reconnaissance. Vous me rendrez par là un service des plus importants, et dont je vous tiendrai toujours compte.
Federic.
H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.
Nach dem Concept.
250-1 Bericht Cataneo's, Venedig 27. Juli : „On prétend que le Cardinal avait donné sa parole au Pape, par le moyen du cardinal de Tencin, qu'il travaillerait ponr qu'à la paix générale la Silésie ne restât point entre les mains du roi de Prusse, et que cet illustre et puissant chef des protestants ne fût plus en état de se faire craindre en Allemagne. Qu'à cette fin, il ne demandait que le temps de conduire la reine Thérèse à la cession de la Bohême à l'Empereur et au roi Auguste, dont il la revancherait sans doute. Il priait aussi le Pape de donner les mains à cette intrigue, l'y poussant par un esprit d'un horrible Catholicisme. La personne dont je tiens cette anecdote me veut persuader que le Pape eut trop de religion et d'honnêteté pour tremper là-dessus, et qu'il refusa même d'en rien communiquer à son nonce Doria.“