984. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.
Neisse, 27 septembre 1742.
Mon cher Podewils. J'ai appris, pendant mon séjour dans ce pays, beaucoup de particularités concernant les Autrichiens, qui méritent quelque attention. Premièrement, l'on assure que l'armée de la Reine n'est pas à beaucoup près aussi délabrée qu'on se l'imagine, que leurs finances ne sont pas dérangées, et qu'en gros ils ne sont pas sans ressources et sans espérances. En suite de la façon dont on parle, l'on croit que la déroute des Français n'est pas problématique du tout, mais certaine; outre tout cela, un bruit sourd se répand à Vienne que la Reine, après avoir terminé ses affaires avec les Français, recommencerait avec nous une nouvelle guerre. Ceci est un peu hasardé, à ce qu'il me paraît, mais cependant l'avis n'est pas tout-à-fait à rejeter, et ce serait un terrible coup, si la Reine me retombait sur le corps avec l'année victorieuse du prince Charles et Khevenhüller. L'on m'objectera l'alliance de l'Angleterre et sa garantie, mais je réponds que l'Angleterre, <275>occupée en Flandre comme elle l'est, et comme elle le serait bien davantage si la Reine fait sa paix avec la France — je dis que l'Angleterre, en ce cas, ne nous sera d'aucune utilité, et que peut-être la Saxe serait fort aise de se joindre aux Autrichiens pour nous entamer de tous les côtés, et que peut-être à Vienne on se flatte de pouvoir entraîner la Russie dans ce plan.
Voici un concetti, mais dans Un siècle aussi extraordinaire que le nôtre, aucun événement ne doit paraître impossible, et il vaut mieux y être préparé que de se trouver surpris. Mandez-moi ce que vous pensez de tout ceci, et dites-moi naturellement votre sentiment. H est toujours bon d'être au qui vive, pour ne point perdre par l'indolence ce que l'on a gagné par l'activité.
Adieu, je serai le 2 ou le 3 d'octobre à Berlin.
Je suis avec bien de l'estime votre affectionné ami
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.