1051. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Berlin, 5 février 1743.

Monsieur mon Frère. Les noeuds d'amitié et d'alliance qui m'unissent avec Votre Majesté, ne me permettent pas de Lui dissimuler les représentations et instances qui m'ont été faites par l'Électeur palatin, à l'occasion de l'avis qu'il prétend avoir reçu qu'une partie des troupes que Votre Majesté a assemblées aux Pays-Bas est sur le point d'entrer dans les duchés de Juliers et de Bergue, sans aucune réquisition préalable, et sans qu'il fût informé si le dessein est de faire seulement passer les troupes par ces pays-là ou de leur y faire faire quelque séjour. La lettre ci-jointe que je viens de recevoir de l'Électeur informera plus amplement Votre Majesté de quoi il est question, et Elle remarquera que les plaintes et les inquiétudes de ce prince roulent sur deux objets différents : qu'en général, il regarde comme une violation manifeste de ses droits, aussi bien que des lois et constitutions de l'Empire, que, sans son consentement et même sans l'en requérir, on fasse entrer des troupes étrangères dans ses États, et qu'on veuille peut- être les y mettre en quartier; et qu'en particulier, il appréhende que quelqu'un des autres prétendants à la succession de Juliers et de Bergue ne saisisse cette occasion, de concert avec Votre Majesté, pour s'emparer des duchés de ce nom et pour s'en mettre en possession.

Encore que le bruit public et les avis qui me reviennent de tous côtés, semblent confirmer ceux que l'Électeur palatin vient de me communiquer, j'avoue que j'ai de la peine à les croire fondés, ne pouvant me persuader qu'un monarque aussi éclairé et autant intéressé que Votre Majesté l'est, à la conservation du système du Corps Germanique et des droits et libertés de ses membres, se déterminât à une démarche si évidemment opposée aux constitutions de la patrie commune et aux <322>devoirs auxquels les princes de l'Empire sont tenus, les uns envers les autres, que d'entrer à main armée dans un État voisin, sans l'aveu et consentement du maître; démarche qui ne manquerait certainement pas d'indisposer extrêmement tout le corps de l'Empire et qui fournirait d'ailleurs un exemple très pernicieux, et saperait le principal boulevard de la sûreté des États d'Allemagne et même de ceux de Votre Majesté.

J'envisage sur le même pied les appréhensions de l'Électeur palatin que Votre Majesté n'aidât quelqu'un des prétendants à la succession de Juliers et de Bergue, pour se mettre dans la possession desdites provinces. Il est vrai que les mouvements que la cour de Saxe s'est donnés depuis peu à ce sujet, tant à la cour de l'Empereur et en France qu'ailleurs, rendent l'Électeur fort excusable de ne pas être sans inquiétude là-dessus. Mais, comme Votre Majesté n'ignore pas que par le traité héréditaire, conclu entre ma maison et la palatine dès l'année 1666, et confirmé et renouvelé dans tous ses points par la convention de l'an 1741, nous nous sommes, mutuellement, garanti la possession des pays appartenant à la succession de Clèves, Juliers et Bergue, dans l'état où elle se trouve maintenant, et que de plus Votre Majesté a fait connaître à mon ministre à sa cour, il y a plus de deux mois, qu'Elle n'était entrée dans aucun engagement concernant lesdits États, d'autant qu'Elle regardait les disputes sur ladite succession uniquement du ressort de l'Empire, je suis assez tranquille de ce côté-là, et j'espère que Votre Majesté ne voudra rien entreprendre, en faveur de qui que ce soit, qui pût troubler l'Électeur palatin d'aujourd'hui dans la tranquille possessions desdits États, ou qui pût autrement me mettre dans la fâcheuse nécessité de satisfaire aux engagements susmentionnés, ainsi que l'Électeur m'en a requis d'avance dans la lettre ci-dessus alléguée.

Cependant, comme l'amitié de Votre Majesté m'est trop précieuse pour laisser en suspens la moindre chose qui pourrait l'altérer, Elle me fera un plaisir très sensible de me rassurer entièrement sur cette matière et de S'expliquer avec moi, avec la cordialité que nos liaisons exigent, sur Ses intentions à l'égard de l'un et de l'autre des objets détaillés ci-dessus. Ne doutant point que ces éclaircissements ne soient tels que la conservation de la tranquillité dans l'Empire et principalement dans les quartiers en question semble les demander, je suis avec une considération et estime parfaite etc.

Federic.

H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.

Nach dem Concept.322-1

<323>

322-1 In Betreff der Antwort des Königs von England vergl. unten S. 343 Anm. 1.