1079. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Potsdam, 4 mars 1743

On ne peut avoir plus de satisfaction que j'ai eue, lorsque j'ai vu, par votre dépêche du 22 du février passé, de quelle manière milord Carteret s'est expliqué envers vous sur le sujet de la pacification en Allemagne.

Mais par la même poste qui m'a apporté vos dépêches, j'en ai eu d'autres du comte de Podewils de la Haye, lesquelles m'ont* appris à ma surprise extrême que, lorsque ledit comte de Podewils s'était entretenu l'autre jour avec le greffier de Hollande sur les affaires du temps, celui-ci n'avait point hésité de lui déclarer tout net qu'il ne pourrait pas cacher à lui, comte de Podewils, que la reine de Hongrie était en droit de demander restitutionem in integrum, ou, comme il s'est expliqué positivement, de redemander ce qu'elle avait possédé avant <342>la guerre; que la reine de Hongrie n'avait cédé la Silésie que le couteau sur la gorge; qu'il lui en fallait au moins un dédommagement; que ceux qui avaient forcé la reine de Hongrie à céder la Silésie, devaient aussi l'en dédommager, aux dépens de ceux dont les armées étaient prêtes d'accabler la cour de Vienne; qu'il lui fallait trouver un dédommagement et lui faire avoir une satisfaction.

Tous ces propos dont le greffier de Hollande a entretenu mon envoyé, le comte de Podewils, m'ont donné d'autant plus à penser qu'ils viennent d'un homme qui a passé toujours pour très retenu et très circonspect, et qu'il n'aurait peut-être jamais parlé si ouvertement sur des desseins de cette nature, s'il n'y avait des concerts, formés entre les alliés de Hollande par quelques insinuations de la cour de Vienne, et s'il n'avait pas cru être autorisé en quelque façon de s'énoncer librement de la manière susdite.

J'ai donc jugé nécessaire de vous en avertir, en vous enjoignant d'en parler à milord Carteret et de lui dire que je laisse juger luimême ce que je dois penser de tels propos, et s'ils ne me devaient pas être un avis au lecteur pour prendre mes mesures là-dessus, et si la prudence ne demandait pas de faire d'autant plus d'efforts pour me garantir des mauvais desseins dont on voulait me menacer si ouvertement. Que j'ai trop bonne opinion de milord Carteret pour que je dusse croire que, contre tant d'assurances qu'il m'a données de l'amitié inaltérable du Roi son maître, il approuverait jamais de tels projets, mais que j'attends aussi son sentiment sur les sûretés que je pourrais avoir contre de tels projets pernicieux. Vous ne manquerez point de me faire, au plus tôt possible, un rapport exact et détaillé de tout ce qu'on vous répondra là-dessus. Je suis etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.