Les deux armées se trouvèrent par ces mouvements toutes les deux nez contre nez dans des positions également inattaquables, qui leur en imposant également, rendit ce camp le plus tranquille et le plus paisible que l'on ait eu durant toute la guerre.1 Il parut que cette position embarrassait le maréchal Daun par les suites qu'elle lui faisait envisager, et que cette considération2 engagea la cour de Vienne à presser les Russes de faire3 une invasion dans l'électorat de Brandebourg.4 Le maréchal Daun, pour en hâter l'exécution, détacha M. de Lacy avec 14000 hommes. Celui-là prit le chemin de Sagan. En5 même temps l'armée russienne passa l'Oder à Beuthen et s'avança vers Christianstadt. M. de Goltze, qui n'était pas assez en force pour s'opposer à ces mouvements, se réduisit à en être le tranquille spectateur.
Cette diversion fit résoudre au Roi de s'opposer avec toute son armée aux projets des armées russes et autrichiennes combinées. Nous quittâmes, le 9 d'octobre, le camp de Dittmannsdorf, sans que l'ennemi osât entamer6 notre arrière-garde. Nous marchâmes jusqu'à Striegau, et de là par des marches forcées, en nous joignant au corps de Goltze, à Primkenau; nous gagnâmes, le 16, la ville de Guben. Cependant, l'ennemi avait cinq marches d'avance sur l'armée du Roi. M. de Soltykow était arrivé, dès le 6, à Francfort; il avait détaché M. de Tschernischew avec environ 20000 hommes, y compris les cosaques, qui arrivèrent, le 3, à un mille de Berlin. Ils y furent reçus par le prince de Württemberg, qui les chassa à deux reprises, et qui les aurait empêchés d'exécuter leur dessein, si M. de Lacy, qui avait marché par Baruth, ne se fût présenté de l'autre côté de la ville vers Tempelhof. Le Prince, qui n'avait que 7000 hommes et qui voyait l'impossibilité de défendre une grande ville ouverte contre deux corps de troupes infiniment supérieurs aux siens,7 se retira à Spandau. Berlin fut occupé, le 9, par l'ennemi, qui en exigea des contributions énormes, pilla et ravagea toutes les contrées circonvoisines, les palais du Roi à Charlottenburg,8 le palais de la Reine à Schœnhausen, celui du margrave Charles à Friedrichsfeld : enfin, il n'y eut du sacré ou profane rien de respecté. On n'entre point, dans cette relation, dans le détail des déprédations, des cruautés et des barbaries commises par les Russes et par les Autrichiens; on se contente de dire que l'approche de l'armée prussienne délivra Berlin, le 12 d'octobre.
Les Russes repassèrent l'Oder, dès le 14. M. de Soltykow prit le chemin de la Pologne et de Landsberg, M. de Lacy celui de Torgau que M. de Hülsen avait quitté dès le 26 de septembre, et se retira
1 A : „inattaquables, et s'en imposèrent également, de sorte que jamais camps ne furent plus paisibles“ .
2 A: „envisager, pour la campagne, et que cela“ .
3 A : „de presser . . .. à faire“ .
4 „de Brandebourg“ Zusatz in B.
5 A : „II prit le chemin de Sagan, et dans le“ .
6 A: „ne tentât sur“ .
7 B: „au sien“ .
8 Der König liess das von Eichel in A zugesetzte, von Cöper in die Abschrift herübergenommene „à“ in B stehen.