12621. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Leipzig, 6 janvier 1761.

Je viens de recevoir les lettres que Votre Altesse m'a faites du 2 de ce mois. Il s'en faut bien que mon intention ait été de défendre les transports de fourrages achetés dans les pays de Thuringe et de Schwarzburg; je les ai facilités plutôt, et dans ma lettre antérieure, faite à ce sujet,178-2 il n'a été question que de parler à Votre Altesse de mes propres besoins et de laisser à votre propre considération s'il vaudrait mieux que mes troupes occupassent ces endroits-là, que de les laisser envahir par l'ennemi dans un temps que vous ne sauriez les protéger contre ceux-ci.178-3

Par rapport à ce qui fait à présent l'article principal de notre correspondance, vous devez me croire être à tous égards votre vrai et<179> véritable ami; c'est pourquoi je vous prie de ne pas vous impatienter du tout, quand je vous presse sur une affaire qui vous regarde également pour le bien des affaires générales. Voici en peu de mots les raisons que je vous prie de peser vous-même dans une assiette tranquille d'esprit, si elles sont fondées ou non.

Prim : la légèreté d'esprit et l'humeur changeante du landgrave de Hesse-Cassel à laquelle l'on peut à peine se fier, quand les affaires prospèrent, et d'autant moins du jour au lendemain, qu'il voit son pays envahi et occupé des Français, qui avec tout cela ne laissent pas de le solliciter au changement de système, en lui promettant monts et merveilles. Cette seule raison devrait être déjà suffisante à Votre Altesse, pour faire tous les effo'rts à dégager le pays des Français.

En second lieu, parcequ'on m'a mandé d'Angleterre179-1 qu'on y penchait assez pour entrer en négociation sur la paix à faire avec la France. Il est hors de toute contradiction que rien ne saurait être plus désavantageux pour une pareille négociation que si l'armée française restait dans une position aussi avantageuse que celle où elle se trouve à présent vis-à-vis de vous.

En troisième lieu, que, plus que vous différez votre entreprise, plus les Français se fortifieront dans leur position et augmenteront les obstacles, en sorte qu'à la fin vous ne pourrez plus surmonter ceux-ci.

La quatrième raison, qui l'emporte sur toutes les précédentes, est que je tiens votre position présente très mal et mauvaise179-2 à tous égards, et que, si vous ne rejetez pas pendant cet hiver les Français du pays de Hanovre et de celui de Hesse-Cassel, votre campagne future doit être horrible et très mauvaise.

Sur ce que vous me dites des mauvais et impraticables chemins, je vous réponds et vous prie d'y faire vos réflexions que, s'il est possible aux Français de marcher à Duderstadt avec 15000 hommes et de l'artillerie pesante, je ne saurais assez comprendre les obstacles qui ne vous permettent pas d'avancer là avec un pareil corps de vos troupes. Ce que vous dites des ministres de Hanovre et des lenteurs qu'ils mettent dans l'exécution de vos ordres par rapport à l'assemblée de vos magasins et des corvées à cet usage,179-3 sera, selon moi, aisément à corriger et à redresser, quand vous en porterez vos plaintes en Angleterre et les mettrez en tout son jour avec les suites fâcheuses qui en résultent; et je suis fermement persuadé qu'alors on donnera là des ordres aussi précis et positifs aux ministres de Hanovre, pour les rectifier en sorte<180> qu'ils se verront obligés de mettre en exécution vos ordres sans contradiction et sans lenteur, au lieu que le reproche de la mauvaise situation présente des affaires dans vos contrées saurait retomber sur vous en Angleterre, si, par trop de ménagement, vous aurez hésité d'en donner là des informations nettes et sincères. Je considère ici l'importance des choses telles qu'elles sont effectivement, et quand j'y fais mes réflexions, il me paraît que vous ne devez rencontrer aucun obstacle à vos projets bons et salutaires, que vous ne deviez tâcher de mettre à côté avec toute la vigueur et toute la fermeté possible, afin de rendre praticables vos projets; à quoi peut-être contribuerait beaucoup, quand vous déclarerez nettement aux ministres de Hanovre que, s'ils ne vous assistaient sur ces articles avec toute la promptitude requise et sans languir, pendant cet hiver-ci, ils devaient absolument s'attendre de voir, le printemps qui vient, l'armée française auprès de Hanovre et de Hameln, et de vous voir nécessité de repasser le Weser avec les troupes.

Pour mon particulier et mon personnel, je saurais tranquillement voir ici tout ce mauvais train des affaires là-bas : ce qui m'afflige et m'inquiète, ce sont les égards que j'ai pour vous et pour les intérêts de la cause commune. Il y a longtemps que vous me marquiez positivement que vous commenceriez vos opérations le 15 du mois de novembre. Voilà six semaines passées et au delà, et tout est dans le même état d'incertitude encore, et si, dans une si importante occasion que celle-ci, vous ne vous servirez de toute votre autorité dont vous êtes muni, ni emploierez pas de la rigueur contre ceux qui négligent leur devoir, pour mettre peut-être par un sordide intérêt des obstacles infinis à vos ordres, vous risquerez qu'à [la] fin tout votre plan échouera, au grand détriment de la couronne de la Grande-Bretagne et de toute la cause commune.

Ce que je vous prie, d'ailleurs, cher Prince, c'est de ne pas vous alarmer ni inquiéter d'abord, quand vous lirez cette lettre, mais de vous donner le temps pour la lire deux fois avec attention, et je suis persuadé alors de votre pénétration et de vos sentiments justes que vous serez d'accord de toutes les raisons et des circonstances que j'ai alléguées, et que vous y reconnaîtrez les sentiments d'un bon et véritable ami, tel que je le suis de vous, qui prend infiniment à cœur tout ce qui peut intéresser votre dignité et votre personnel. Je ne saurais même vous être contraire, supposé que vous le jugiez convenable, que vous communiquiez ma lettre au roi ou aux ministres d'Angleterre, étant persuadé que tout le monde impartial tombera d'accord des sentiments et des raisons que j'y ai employés, et que je n'ai en vue sur tout ceci que le vrai bien de la cause commune, tout comme le vôtre.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.

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178-2 Nr. 12614.

178-3 So.

179-1 Bericht der preussischen Gesandten, d. d. London 23. December 1760. Vergl. Nr. 12620.

179-2 So.

179-3 Auf einem Schreiben an den Generallieutenant von Wedell in Berlin, d. d. Leipzig 5. Januar, in welchem der General den Auftrag erhält, für den Transport von Geschützen mit Bespannung aus Berlin zur Armee zu sorgen, findet sich der eigenhändige Zusatz: „Ich bitte Ihm, nehme Er sich doch alldort der Sachen an, dann es ist kein vernünftiger Mensch, dem ich sie dorten anvertrauen kann.“ [Wedellsches Familienarchiv zu Ludwigsdorf i. Schl.]