12714. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.249-1
Leipzig, 4 mars 1761.
Permettez-moi que, pour répondre à la lettre du 27 février que j'ai eu la satisfaction de recevoir de vous, je commence à vous féliciter le plus cordialement sur les heureux progrès que vous avez faits encore dans votre expédition,249-2 laquelle je ne saurais regarder autrement à présent que comme glorieusement finie et presque tout-à-fait achevée. Ne soyez pas en peine, je vous en conjure, que l'ennemi retourne sur ses pas : vous lui avez pris tous les magasins qu'il avait dans ce pays-là. Supposé que l'envie lui prît pour vouloir retourner, il faut qu'il fasse des arrangements pour sa subsistance. Vos belles manœuvres l'ont réduit au point qu'il lui faudra un temps de quatre semaines au moins pour y pourvoir, et, ce temps gagné encore par vous, je me flatte que vous aurez tout gagné et vous serez rendu maître des places fortes. [Quant à] Cassel, je crois que, si vous faites offrir à la garnison un accord pareil à peu près à celui de Fritzlar, savoir de ne pas servir pendant l'intervalle d'une année, ni contre la Grande-Bretagne ni contre ses alliés, que vous en aurez bientôt fait, et alors le droit du jeu serait de s'attacher à Gœttingue, afin de reprendre cette place tout à la suite.
Figurez-vous, je vous prie, le grand avantage que vous vous serez acquis par ce coup de maître; si vous le poussez à sa perfection, cela forcera les Français de se prêter à la paix, votre position sera infiniment meilleure que ci-devant, et l'ennemi se verra obligé de quitter son dessein, pour former une seconde armée du côté du Bas-Rhin et de vous en menacer. D'ailleurs, la cour de Londres sera mise par là dans une situation à faire commodément sa paix au gré et souhait de ses alliés, sans être trop embarrassée des circonstances en Allemagne.
Quant à mon corps de troupes aux ordres du général de Syburg, il se trouve avancé, depuis le 1er de ce mois, à Rudolstadt249-3 et alentour de là, occupé à chasser en arrière les troupes des Cercles et à couvrir tout votre flanc droit, afin que vous n'ayez rien à appréhender desdites troupes. Tandis qu'il était d'une nécessité urgente de vous assister en votre expédition, je l'ai fait très volontiers; à présent que cette nécessité n'existe plus, à quoi saurait vous servir que mes gens fussent à Vacha ou à Eisenach, dépourvus de pain et de fourrages, dans un pays tout consumé et où il n'y a plus moyen de subsister?
Je suis très persuadé, au surplus, que vous vous rendrez bientôt maître de Cassel; mais, pour y réussir, je ne saurais vous dissimuler<250> qu'il vous faudra avoir une artillerie de gros canons plus nombreuse et supérieure à celle que l'ennemi a en dedans, afin d'en imposer bientôt à celle-ci. Il faudra, d'ailleurs, que cette partie de la ville que vous ferez entourer, ait à essuyer une vive canonnade; si la ville en souffrira en partie, il n'y aura pas à balancer, vu qu'il n'y aurait nulle comparaison à faire entre l'avantage de l'avoir arrachée des mains de l'ennemi avec le dommage que quelques maisons sauraient souffrir [à cette occasion]. Continuez, mon cher Prince, à couronner parfaitement votre ouvrage.
Federic.
Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.
249-1 Prinz Ferdinand befand sich nach seinen Berichten im März am 1. in Kirchdorff (d. i. Kirtorf), vom 4. bis 13. in Schweinsberg, am 23. in Maulbach (südöstl. von Schweinsberg), am 31. in Brune (Breuna, südl. von Warburg),
249-2 Der Prinz hatte geschrieben: „M. le maréchal de Broglie se retire sur Francfort; je le fais suivre par le général de Luckner.“
249-3 Vergl. Nr. 12710.