12728. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Leipzig, 10 mars 1761.

J'ai reçu la lettre que Votre Altesse m'a faite du 7 de ce mois. Soyez persuadé, mon cher Prince, que j'entre parfaitement dans toutes les peines que vous devez rencontrer dans votre expédition, surtout par les pluies et les mauvais chemins, dans une saison telle que la présente; mais comme heureusement vous avez pris tout le magasin de l'ennemi à Fritzlar avec d'autres moindres dépôts, voilà cependant une ressource avec ce que vous trouvez dans le pays où vous êtes, qui vous peut être d'une grande assistance, au moins pour faire subsister vos troupes jusqu'à ce que le temps se mettra au mieux. En attendant, il faut que vous tâchiez de lever tous les obstacles.

Quant à Cassel, j'ai appris que le comte de Broglie a fait menacer qu'au premier coup de canon qu'on tirerait sur la forteresse, il ferait d'abord brûler toute la ville neuve; mais ce ne sont que des gasconnades de cet homme tout-à-fait frivole, que vous réprimerez bientôt, en lui faisant dire nettement que, s'il exécutait, soit contre la ville soit contre le château, un pareil dessein, contraire au devoir de tout officier honnête et à toutes les lois de la guerre, on s'en prendrait à lui, et, dès qu'on l'aurait pris, oh le traiterait non comme un officier, mais comme tin incendiaire et comme un criminel, sans aucune considération ni de sa naissance ni de sa qualité. D'ailleurs, je crois que, pour être pressé de prendre cette place, vous devriez lui faire offrir une bonne capitulation qu'il acceptera peut-être, de sorte que vous serez quitte de la garnison et maître de la place; mais l'article au sujet duquel je ne saurais convenir avec vous, c'est l'appréhension où vous êtes que le maréchal de Broglie pourrait vous attaquer ou revenir sur ses pas. A cela permettez-moi de vous dire que je gagerais de ma tête que vous n'aurez rien à craindre de sa part; je ferais même un pari qu'il ne se mettra en campagne avec son armée avant le commencement de juin.

Je ne vous dis point pour cela que vous ne dussiez pas calculer sur tous les incidents qui sauraient arriver du côté du maréchal de Broglie, ni de n'être pas attentif à prendre vos mesures sur tout ce qu'il pourra entreprendre sur vous; je souhaite seulement que vous ne vous impatientiez pas, et que vous gardiez toujours bonne contenance, sans désespérer de rien. Je conviens que sur bien des choses vous devez trouver beaucoup de difficultés, mais il faut s'aider sagement et avec prévoyance et tâcher de vaincre tout obstacle. Votre expédition était d'une nécessité indispensable et nullement à renvoyer à un autre temps, sans quoi votre situation aurait été au printemps bien pire qu'à présent: en sorte que vous seriez tombé dans les mêmes inconvénients que le duc de Cumberland en [son] temps.260-1 Ne vous embarrassez donc trop<261> sur les obstacles que vous trouverez, prenez patience et soyez parfaitement assuré qu'au bout du compte votre expédition réussira à votre gloire et à votre avantage, peut-être avec plus ou moins d'avantage, selon les évènements. Le temps pluvieux ne saurait durer guère, et il faut bien qu'il se change au beau, et que les chemins ne seront plus impraticables; enfin, avec de la bonne contenance on gagne tout.

Quant au corps de Syburg, soyez persuadé que c'est bien contre toute mon inclination que je ne puis pas remplir votre attente à ce sujet,261-1 à l'heure qu'il est, et je dois vous apprendre qu'il y a actuellement assemblé aux frontières de la Bohême un corps de 8000 hommes qui menace d'entrer en Saxe : voilà [pourquoi] il faut nécessairement que je laisse là encore un corps pour observer celui de l'ennemi et pour s'opposer à ses vues. D'ailleurs, je pense d'assembler bientôt la plupart de mes troupes contre celles de Daun, vu que le temps est arrivé où je ne saurais plus m'en dispenser. Voilà pourquoi je pourrais partir d'ici le 15 de ce mois,261-2 pour aller séjourner à Meissen, ce qui pourtant n'empêchera en aucune façon la correspondance entre vous et moi, qui n'en sera pas moins continuée sans empêchement.

Federic.

Les ennemis font des mouvements en Haute-Lusace qui méritent actuellement toute mon attention et m'empêchent de m'éparpiller.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.



260-1 Vergl. Bd. XV, 489.

261-1 Prinz Ferdinand hatte gewünscht, der König möge das Corps Syburgs nach Vacha und Eisenach vorrücken lassen. Vergl. S. 249.

261-2 Vergl. Nr. 12726.