12784. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.
Meissen, 2 avril 1761.
Vous aurez sans doute reçu la lettre que je vous ai dépêchée hier.300-3 Quoique je n'ai point eu encore des lettres directes du prince Ferdinand de Brunswick, je me trouve cependant un peu soulagé des avis que je viens de recevoir dans ce moment de très bonne main,300-4 et qui m'assurent que le mal dans la retraite dudit Prince n'est point tout<301>à-fait si grand qu'on l'avait débité au commencement, et que sa retraite ne se faisait pas si vite qu'on l'avait annoncée d'abord; aussi l'armée alliée avait été campée301-1 assez tranquillement aux environs de Werstel,301-2 à trois milles de Cassel.
Nonobstant cela, il m'est toujours douloureux et je ne saurais compter autrement que pour un désastre singulier que cette expédition de Hesse, pour le soutien et progrès de laquelle j'avais tout coopéré ce que ma propre situation et mes forces me permettaient, vient malgré cela de manquer, principalement par les trop grands obstacles qu'on a cru rencontrer pour prendre Cassel. J'en suis d'autant plus mortifié que j'en crains les suites embarrassantes et pénibles.
Car, en premier lieu, on n'osera guère se fier à présent du landgrave de Hesse-Cassel, qu'on aura plus de peine que jamais à retenir, voyant son pays derechef tombé au pouvoir des Français, qui l'ont traité cruellement déjà par le passé ; sa défection est d'autant plus à craindre que ce serait le coup le plus fatal dans la situation présente des affaires d'Allemagne, s'il venait nous manquer présentement et se lier à nos ennemis par les grandes promesses qu'ils ne cessent pas à lui faire. Il faut espérer que le ministère anglais envisagera cet article et tâchera au moins de laisser entrevoir à ce Prince quelque perspective du dédommagement qui saurait le satisfaire.
Il y a la seconde suite fâcheuse de cette retraite de Hesse que les troupes hessoises manqueront à présent d'occasion à se compléter, ce qui effectuera que l'armée du prince Ferdinand sera moins forte en nombre encore cette année-ci qu'elle n'a été l'année passée. Ce qui exposera les États de Hanovre à bien des dangers, parcequ'il ne faut pas douter que les Français ne mettront deux armées en campagne, l'une du côté du Bas-Rhin, pour envahir la Westphalie, et l'autre sous Broglie vis-à-vis du prince Ferdinand, qui par là sera mis fort à l'étroit.
Quant à moi, il n'est pas à présumer qu'on se flattera que je fasse merveille, bien entendu que ma situation présente ne se trouve guère changée de celle de l'année passée où j'avais jusqu'à quatre armées ennemies à combattre, non comptés les Suédois.
Ces sont là mes réflexions que je donne à votre considération pour voir s'il ne conviendra pas plutôt aux ministres d'Angleterre de penser sérieusement à se plus prêter aux sentiments pacifiques de la France en conséquence de ce qu'elle a déclaré, supposé que celle-ci y adhère encore, et qu'elle reste dans ce désir par des raisons indépendantes de la position présente de ses affaires en Allemagne. Comme aussi la plupart des ministres d'Angleterre, comme je crois avoir souvent remarqué, n'ont que des idées faibles et vagues sur les affaires des pays étrangers et hors de l'Angleterre, il me paraît qu'il sera bon et nécessaire que vous leur fassiez pénétrer, avec votre prudence et sagesse<302> reconnue, tous les articles susdits et allégués de moi, afin qu'ils y réfléchissent d'autant plus sainement et avec connaissance de cause.
Federic.
Nach dem Concept.
300-3 Nr. 12781.
300-4 Vom Herzoge von Braunschweig. Vergl. Nr. 12783.
301-1 So nach der Ausfertigung; in der Vorlage fehlt „campée“ .
301-2 Wohl Werkel, südwestsüdl. von Cassel.