12904. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
Kunzendorf, 24 mai411-2 1761.
Je vous sais infiniment gré de tout le détail dans lequel vous avez bien voulu entrer avec moi par votre lettre du 20. Permettez-moi que je m'explique avec vous tout confidemment sur tout ce dont il s'y agit.
Le Detachement que Daun a fait pour la Silésie, ne consisté que, comme vous le dites très bien, qu'en 16 ou 20 régiments, et c'est le général Sincere qui le commande. O'Donnell et Lacy sont restés dans l'armée de Daun, et c'est le corps de Beck qui est du côté de Marklissa. Je suis très persuadé que l'intention du maréchal Daun est d'agir en Silésie; il ne partira que lorsqu'il croira que les Russes sont à portée à commencer leurs opérations; le manque total des fourrages et le défaut de ses magasins l'ont empêché de venir plus tôt. Je n'ajoute pas encore foi aux détachements français que vous supposez qu'ils se transporteront en Saxe, parceque le prince Ferdinand de Brunswick ne m'en a rien marqué, et que les sources d'où il puise, sont plus sûres que celles du Duc régnant; d'ailleurs, dans les termes où la France en est avec l'Angleterre, il n'y a pas d'apparence que la France voulût<412> pousser les choses à l'extrémité, à moins que la négociation de messieurs Bussy et Stanley ne fût rompue. Mais voici mon raisonnement sur les opérations générales de cette campagne.
Il y a tout à espérer que les Français et les Anglais conviendront de leur fait, ce qui déterminera la cour de Vienne à hasarder le tout pour le tout; car, enfin, vous conviendrez avec moi que la cause de la guerre et de tous les efforts qu'elle a faits, n'ont pour objet que de conquérir la Silésie: or, dans un moment où elle se verra obligée d'opter ou de faire également la paix avec ses alliés ou de continuer la guerre toute seule, elle donnera quelque chose au hasard, et ses généraux seront obligés de risquer une bataille, pour voir si, par ce moyen, ils peuvent m'écraser et me prescrire des lois plus dures que celles dont ils se sont concertés avec leurs alliés. Si, dans un pareil cas, je me trouverais trop faible, et que je succombasse par leur nombre, jugez vous-même des suites, et quel serait le traité qu'on nous proposerait, au lieu que, si, trompant les Autrichiens dans leur attente, nous fussions assez heureux de les battre, ne sentez-vous pas que, de cette notre armée, nous serions en état de redresser les affaires en Saxe, en Poméranie et tous côtés? J'avoue que ce projet a bien des inconvénients, mais je ne m'aperçois d'aucun autre qui ne sera pas sujet à des difficultés toutes semblables. Car voici le cas. Si Laudon entreprend le siège de Neisse ou autre,412-1 vous pouvez compter qu'il [fortifiera] son camp d'une façon à se casser le nez pour vouloir l'attaquer, et j'ai appris par ma malheureuse expérience ce qu'il en coûte, et les hasards qu'on a à courir en attaquant des postes; aussi ces réflexions me feront éviter, autant qu'il dépendra de moi, de pareilles attaques, et je n'y résoudrai que lorsqu'une nécessité absolue m'y obligera.
J'ai fait faire un camp retranché auprès de Colberg; Goltz y a envoyé le général Thadden avec 4 bataillons. Ces troupes vont joindre encore le prince de Württemberg, et elles seront, je crois, en état de défendre ses retranchements contre les troupes que les Russes destinent pour les attaquer.412-2
J'avoue que te gros du corps du général Hülsen consiste en de mauvaise infanterie, mais comptez qu'en gros notre infanterie ne vaut guère mieux. II faut qu'il se borne à faire la guerre des partis; que, se voyant obligé de se retirer, il entre, en se retirant dans le camp de<413> Torgau, ensuite à Wittenberg; et, avant qu'on le pousse jusqu'à Wittenberg, on peut compter que ce sera l'ouvrage de deux mois. Dans ce temps-là, il peut espérer que les choses seront débrouillées d'un côté ou d'autre et [qu'on pourra] porter des secours là où ils seront nécessaires; car il n'y a point de projet de campagne à former qui soit géométriquement exact, et notre faiblesse et notre insuffisance de moyens perce de tous côtés. Cependant, nous serons obligés de soutenir la gageure pendant cette campagne, tant bien que mal, et, pourvu que la Fortune nous seconde, nous nous en tirerons encore de celle-ci. Mais j'avoue néanmoins que nous avons de grands hasards à courir et que, sans quelque évènement favorable, il nous sera presque impossible de nous tirer de ce labyrinthe.
Laudon tire toutes ses troupes vers le comté de Glatz,413-1 et je compte rester ici immobile jusqu'au moment qu'il voudra se déclarer pour quelque entreprise.
En tout cas, si vous suivez Daun, et que vous croyez qu'il serait besoin de laisser quelque chose de plus à Hülsen, il dépendra de vous, parceque 4 ou 5 bataillons de plus ou de moins ne nous empêcheront pas de [remplir] notre objet.
Der Minister Finckenstein sei angewiesen, den Prinzen über die Verhandlungen zwischen England und Frankreich auf dem Laufenden zu erhalten.413-2
Souvenez-vous d'une certaine demoiselle qui dirige l'économie du chambellan de Schönberg sur la terre de Bieberstein près de Meissen, et dont le général Ramin a déjà dit quelque chose au général Linden et au capitaine de Kalckreuth. C'est par le moyen de cette demoiselle que j'ai été assez exactement informé pendant mon séjour à Meissen de tout ce qui s'est passé à Dresde, et dont vous saurez tirer encore de bons avis, pourvu que le secret en soit toujours exactement gardé.
Federic.
Nach der Ausfertigung.
411-2 Vom 24 ein Schreiben an d'Argens, Œuvres, Bd. 19, S. 230.
412-1 Auf dem Berichte des Generals von Treskow, d. d. Neisse 22. Mai, finden sich die Weisungen für eine vermuthlich an den General Zastrow gerichtete Ordre: „Dankte. Viel daran gelegen, zu wissen, ob das wahr, dass Laudon nach Schweidnitz; wissen, wie stark und wie das Lager stünde. Solle Mühe geben, zu erfahren, was dort weiter passiret, und auch Treskow davon zu avertiren.“
412-2 Dem General Goltz schreibt der König am 24. Mai, er sei mit der Detachirung Thaddens zufrieden, „weil derselbe im Stande ist, dorten viel guten Rath zu geben. So wie Ich die Russen kenne, so seind solche keine grosse Attaqueurs von Retranchement und dergleichen, und ist also noch einige Hoffnung, dass es dorten damit gehen und das dasige Corps Colberg decken werde.“
413-1 Auf dem Berichte Wuthenows, d. d. „bei Hartmannsdorf“ 24. Mai, finden sich die Weisungen für die Antwort: „Hier hörte, dass Laudon nach Glatz detachirt. Sollte attent sein, um zu erfahren, wie weit es gegründet, damit Ich bei Zeiten Meine Mesures darnach nehmen könnte.“
413-2 Erlass an Finckenstein, d. d. Kunzendorf 24. Mai. Vergl. S. 414. Anm. 2.